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Littérature - Page 277

  • Cabinet de verdure

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    « Le jardin de Genval longeait le lac. Dès la première fois, nous avions remarqué une masse de végétation apparemment sauvage : quand le jardinier eût ôté les orties et les ronces, nous vîmes apparaître un petit cabinet de verdure pourvu d’une table et d’un banc de marbre blanc. Au moindre soleil, je m’y retirais pour lire et dessiner. Personne n’a jamais vu ces dessins, car je les jetais aussitôt achevés. C’est que je n’ai pas dessiné par talent ou par goût du dessin, mais pour devenir Léopold dessinant. »

     

    Jacqueline Harpman, La plage d’Ostende

  • Au lac de Genval

    Le dimanche, il y a du monde au lac de Genval. A une demi-heure de Bruxelles en voiture, c’est un bel endroit pour aller se promener. Le lac n’est pas bien grand, on aime en faire le tour, s’installer dans l’herbe ou à une terrasse et admirer la vue. Côté lac, avec son jet d’eau, ses voiliers, ses palmipèdes, et côté rives, avec les demeures de caractère, les restaurants. 

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    Les rhododendrons et les azalées dans les jardins, les iris jaunes au bord de l’eau – l’iris des marais est l’emblème de la région de Bruxelles-Capitale, hélas abandonné cette année sur le drapeau régional pour une stylisation médiocre –, les glycines…, les floraisons de mai sont généreuses. Mais nous sommes ici entre Brabant flamand et Brabant wallon (séparés depuis 1995). La frontière linguistique traverse le lac, entre Overijse et Rixensart.  

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    Certaines propriétés, Belle époque ou modernes, se laissent découvrir des promeneurs, d’autres ont élevé des murs pour protéger leur intimité, surtout celles qui ont les pieds dans l’eau, on les contemplera de loin, de l’autre rive. La Pommeraie, une ancienne ferme, a gardé son environnement champêtre. 

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    Au début du XXe siècle, le modeste étang alimenté par la rivière Argentine, qui longe la rive nord et la Meerlaan (avenue du Lac), est devenu un beau lac de tourisme autour duquel on a créé un quartier cossu. Place au Lac de Genval.

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    Cet écrin de verdure attire les propriétaires les plus aisés, mais aussi les oiseaux, et bien sûr on y regarde s’affairer des poules d’eau, des canards, des oies – et des poussins bien mignons. Quant aux poissons du lac, une petite pêcheuse les attend au tournant avec une canne rudimentaire, pleine d’optimisme.

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    Près du Château du Lac (Etablissement d’eaux minérales reconverti en hôtel cinq étoiles), des messieurs en blanc font une partie de croquet.  

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    Sur la grande pelouse, on célèbre un mariage, face au jet d’eau. Endroit huppé, belles voitures, des passants s’arrêtent pour écouter les discours prononcés au micro. De la promenade de ce côté du lac, on aperçoit des maisons aux terrasses quasi sur l’eau.  

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    Un joli trio de villas : au centre, la flèche de Guillaume Tel, réplique d’une chapelle suisse devenue maison d’hôtes, de part et d’autre, des maisons de style normand, le style dominant dans ce qui fut d’abord une villégiature pour la noblesse et la bourgeoisie bruxelloises – les promoteurs immobiliers s’en inspirent encore aujourd’hui. 

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    Sur la promenade, un mur de graffiti détonne, au décor plutôt surréaliste –le propriétaire du Château du Lac a proposé aux participants d’un festival de hip hop, en 1999, de pérenniser ainsi leur passage par une fresque sur le thème des quatre éléments (une façon peut-être aussi de décourager les taggeurs). 

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    En retrait, de grandes maisons pleines de charme semblent délaissées, certaines sont à vendre. Je vous recommande deux beaux sites qui proposent des vues du lac de Genval, de ses demeures et des environs, Rétro Rixensart avec des cartes postales et des vues anciennes et Objectif Rixensart, des photographies actuelles.

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    Chaque fois que je me promène là, je me demande quelle maison a inspiré celle de La plage d’Ostende : Jacqueline Harpman, au chapitre 2 (« Genval »), raconte comment le père d’Emilienne, la narratrice, les emmène un jour d’avril, sa mère et elle, « visiter une grande maison au bord du lac de Genval. Elle était assez délabrée car elle n’avait pas été occupée pendant quatre ans. » Emilienne Balthus en était tombée « amoureuse » aussitôt et Léopold Wiesbeck, le peintre follement aimé, en sera l’hôte le plus désiré.

     

  • Design

    pastoureau,noir,histoire d'une couleur,essai,littérature française,histoire,europe,couleurs,symbolisme,culture« Le noir du design n’est ni le noir princier et luxueux des siècles précédents, ni le noir sale et misérable des grandes villes industrielles ; c’est un noir à la fois sobre et raffiné, élégant et fonctionnel, joyeux et lumineux, bref un noir moderne. Même si l’histoire des relations entre le design et les couleurs a souvent été faite de rendez-vous manqués (pensons ici aux vilaines teintes pastel des années 1950 ou bien des vulgarités chromatiques des années 1970), celle du design et du noir a été parfaitement réussie. Pour beaucoup de créateurs et pour une large partie du public, le noir est même devenu au fil des décennies la couleur emblématique du design et de la modernité. »

     

    Michel Pastoureau, Noir. Histoire d’une couleur

     

    Lampe à poser Kartell Taj ( http://www.uaredesign.com/taj-alessi-lampe-poser-noir.html )

  • Noir Pastoureau

    J’espère lire un jour l’histoire du rouge sous la plume de Michel Pastoureau. Dans son introduction à Noir – que le noir soit une couleur n’a pas toujours été une évidence – l’historien repousse l’idée de consacrer une monographie à chacune des six couleurs « de base » de la culture occidentale et des cinq couleurs « de second rang », ce qui « n’aurait guère de signification » à ses yeux. Vert est pourtant paru en 2013, espérons que l’auteur change d’avis.  

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    Voyons donc Noir. Histoire d’une couleur (2008). Une lecture noir sur blanc dans la collection Points, sans les illustrations qui agrémentent les albums originaux au joli format presque carré, soit dit en passant. Au travail depuis des décennies sur « l’histoire des couleurs dans les sociétés européennes, de l’Antiquité romaine jusqu’au XVIIIe siècle », Pastoureau en rappelle les difficultés. 

    D’abord en ce qui concerne les couleurs : « sur les monuments, les œuvres d’art, les objets et les images que les siècles passés nous ont transmis, nous voyons les couleurs non pas dans leur état d’origine mais telles que le temps les a faites. » De plus, nous les regardons « dans des conditions d’éclairage très différentes » d’avant. Et depuis le XVIe siècle jusqu’à récemment, historiens et archéologues ont travaillé à partir de gravures et de photographies, un « monde fait de gris, de noirs et de blancs ».

     

    Une autre difficulté concerne la méthode, tant d’interrogations surgissent pour comprendre « le statut et le fonctionnement de la couleur » dans une société à une époque donnée, avec des « enjeux économiques, politiques, sociaux ou symboliques s’inscrivant dans un contexte précis ». Le danger de l’anachronisme n’est pas le moindre. Si le bleu est aujourd’hui une couleur froide, au Moyen Age et à la Renaissance, il passait pour une couleur chaude, « parfois même la plus chaude de toutes les couleurs ». La couleur est « un fait de société ».

     

    En cinq chapitres, voici donc la chronologie du noir, du commencement du monde – « le noir matriciel des origines » – à nos jours. Pour les Anciens, « le feu est rouge, l’eau est verte, l’air est blanc et la terre est noire. » Au Moyen Age, on attribue le blanc aux prêtres, le rouge aux guerriers, le noir aux travailleurs. Le latin distingue « le noir mat (ater) et le noir brillant (niger) » comme il distingue deux blancs, albus et candidus. Peu à peu, le lexique des couleurs a laissé la luminosité dans l’ombre au profit de la coloration, et ce sont les comparaisons qui diront les nuances : noir « comme » la poix, la mûre, le corbeau, de l’encre…

     

    Des connotations négatives sont depuis longtemps associées au noir, couleur de la mort, des enfers, des méchants. Cependant Pastoureau note que la fiancée du Cantique des cantiques proclame « Je suis noire mais je suis belle » (Ct I, 5). Autre exemple d’ambivalence, la symbolique du corbeau, « l’être vivant le plus noir qui puisse se rencontrer » : l’oiseau « qui observe le monde et connaît le destin des hommes » est entièrement positif pour les Germains, impur et diabolique pour les Pères de l’Eglise.  

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    Le petit chaperon rouge, illustration pour un article de Michel Pastoureau

    L’époque féodale fait du noir la couleur du diable et des démons. Puis on verra des diables rouges et même des diables verts, probablement parce que c’est la couleur des musulmans ennemis des chrétiens au temps des croisades. « Tout un cortège » d’animaux noirs porte cette malédiction, l’ours, le loup, le chat et aussi les chimères, la liste est longue de ce « bestiaire inquiétant ».

     

    A l’opposé, la couleur contribue à dissiper les ténèbres et après l’an mil, les bâtisseurs d’églises sont « chromophiles ». Toutes les techniques célèbrent la lumière divine : « peinture, vitrail, émail, orfèvrerie, étoffes, pierreries ». D’autres refusent cette vision. Pastoureau rapporte l’aversion de saint Bernard pour la polychromie et la querelle des habits monastiques, « le blanc contre le noir ».

     

    Aussi spécialiste du blason, Michel Pastoureau indique les correspondances des couleurs dans ce vocabulaire spécialisé – or, argent, gueules, azur, sable, sinople – et les règles pour les juxtaposer. Le noir n’y a pas de valeur particulière, ce qui a pu contribuer à l’apparition du « chevalier noir » soucieux de cacher son identité. Le noir devient dans les romans de chevalerie la couleur du secret.

     

    Du XIVe siècle au XVIe, il est « une couleur à la mode ». Maurice l’Egyptien, « l’archétype de l’Africain chrétien », devient le saint patron des teinturiers. Jusqu’alors, il était très difficile de teindre les étoffes dans un beau noir solide, mais la demande des princes aidant, de nouveaux procédés vont accompagner la « mode des noirs vestimentaires qui touche toute l’Europe fortunée à partir du milieu du XIVe siècle. »

     

    De noir s’habillent les légistes, juristes, magistrats, tous ceux qui travaillent au service de l’Etat, « signe distinctif d’un statut particulier et d’une certaine morale civique ». Et puis toute une clientèle « riche et puissante », Philippe le Bon, Charles-Quint, Philippe II. « En matière d’étoffes et de vêtements, tout est donc réglementé selon la naissance, la fortune, la classe d’âge, les activités ».  

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    http://www.astropolis.fr/articles/Biographies-des-grands-savants-et-astronomes/Isaac-Newton/astronomie-Isaac-Newton.html

    Avec le développement de l’imprimerie, « l’encre devient le produit noir par excellence », le livre « un univers en noir et blanc ». Au XVIIe siècle, Isaac Newton met en valeur le spectre de la lumière, tournant décisif dans l’histoire des couleurs et dans celle des sciences. Un nouvel ordre chromatique est révélé : « violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge », le classement scientifique de base jusqu’à nos jours. C’est une révolution : « le noir et le blanc ne sont plus des couleurs ».

     

    Le dernier chapitre décrit le triomphe de la couleur au XVIIIe siècle, le retour du noir à l’époque romantique, « le temps du charbon et de l’usine », l’avènement du Technicolor et le succès de la « petite robe noire ». Le noir s’impose aussi comme couleur du pouvoir, « à la fois moderne, créatif, sérieux et dominateur ». Aujourd’hui omniprésent, il a perdu de sa superbe, il est « rentré dans le rang », affirme Pastoureau, observant qu'il n’est ni la couleur la plus appréciée (le bleu) ni la moins aimée (le jaune). Serait-il devenu une couleur comme les autres ?

  • Rêves

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    « Je ne pensais pas qu’il mentait, ce qu’il inventait de sa vie me touchait parce qu’il me le donnait, c’était peut-être ce qu’il y avait de plus intime en lui, et j’aimais qu’il me le confie. J’ai ajouté que les rêves sont aussi ce que nous sommes, même si cela ne se voit pas. Il a posé sa main sur la mienne et m’a demandé si je voulais faire un tour en barque après le passage attendu de deux autres péniches. Bien sûr que je le voulais. Je pensais à mon père vantant l’art de vivre de Murger, auquel il avait sans doute renoncé mais qui pourtant l’avait habité toute sa vie, comme un rêve impossible et nécessaire. »

     

    Michèle Lesbre, Chemins