Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • Style

    Percuteur  caillou  nucléaire
    expression  juste  de la pensée
    le style  coupé  de  La Bruyère
    le style  tranchant,  le style  zéro
    neuhuys,paul,on a beau dire,poésie,anthologie,littérature française de belgique,écrivain belge,culturele parler  coquillard  du curé de Meudon
    le charabia  des cachots

    le style  qui sévit,  après Sévigné

    le style  roche tarpéienne
    près du style  Capitole
    le style  « allo qui est à l’appareil »
    le style  « je ne supporterai pas
    d’être  tripotée par cet homme »
    le style  inondation
    océanique,  bilboquet
    haletant,  constipé
    le style  cliquetis de pivert
    le style  cavalcade historique
    le style  phylactère
    photographique,  automatique
    pied de nez,  poum par terre
    La poésie  oblige  à ramasser son style
    style de vie,  style de rien
    un style  en  mille  morceaux

     

    Paul Neuhuys, La Draisienne de l’Incroyable, 1959 (On a beau dire)

  • On a beau dire

    ART POETIQUE

     

    Ecrire en vaut-il la peine

    Des mots, des mots

    Pourtant il ne faut pas dire : Hippocrène

    je ne boirai plus de ton eau.

     

    La poésie,

    je la rencontre parfois à l’improviste

    Elle est seule sous un saule

    et recoud ma vie déchirée.

     

    Ecoute le son de la pluie dans les gouttières de zinc

    Aime les formes brèves et les couleurs vives

    Foin des natures mortes et des tableaux vivants

    Fous-toi de la rime

    Que la tour d’ivoire devienne une maison de verre

    et se brise.

     

    Epitaphe :

     

    Encor qu’il naquit malhabile

    Il ne resta point immobile

    Et disparut chez les Kabyles

    D’un accident d’automobile.

     

    Paul Neuhuys, Le Canari et la Cerise, 1921. 

    Plumes rangées.JPG

    Parmi les poètes belges, c’est un de ceux à qui je reviens régulièrement, je sais qu’il me fera sourire à coup sûr. On a beau dire de Paul Neuhuys (1897-1984) est un volume de la collection Espace Nord, une anthologie qui rassemble des poèmes de 1921 (Le Canari et la Cerise) à 1984 (L’Agenda d’Agenor).  

    Que vous dire de cet Anversois épris de langage et de liberté et de liberté du langage poétique ? Le blog de la Fondation Ca ira ! le présente comme « le principal animateur du groupe et de la revue Ça ira, éditeur attentif et persévérant, poète témoin tour à tour optimiste et pessimiste, de son siècle (…) » Paul Neuhuys était l’ami de Max Elskamp, de Ghelderode, de Hellens, de Norge, entre autres. Il a publié discrètement, à des tirages limités, « des recueils où il affiche une superbe liberté de ton. » (Paul Emond)

     

    Dans cette précieuse anthologie tissée de fils de différentes couleurs, aux motifs de fantaisie, je déroule tantôt l’un, tantôt l’autre : la ville, la poésie, l’amour, les fleurs, le voyage, la fête… Un seul mot, souvent, suffit à titrer ses poèmes : « Histoire », « Palmarès », « Lobélie »… Des textes courts, rythmés, et savoureusement imprévisibles. Pour vous, aujourd’hui, j’ai tiré sur le fil de la poésie. 

    Plume irisée.JPG 

    ART POETIQUE

     

    Cent fois, j’ai déposé mon crayon sur la table,
    et cent fois remisé mon cochon à l’étable,
    pour que passe en mes vers un souffle délectable.

    O poète local, ô poète vocal,

    On dira que tes jeux de style sont factices

    que de plaire en parole et d’aimer en peinture
    fut ta seule façon de goûter la nature,

    Châteaux de cartes, Pont des Soupirs, Boîte à Malices,

    que le temps balaiera un si frêle édifice.
    Mais l’art des vers est, comme l’amour, disparate.

    C’est à vouloir viser trop haut que l’on se rate.

     

    Paul Neuhuys, La Fontaine de Jouvence, 1936.

  • Beauté

    borremans,michaël,as sweet as it gets,exposition,catalogue,peinture,peintre belge,contemporain,culture« En ce moment mon œuvre est sombre, chargée de choses qui ne sont pas toujours si positives. Mais elles sont très belles, enfin, je veux dire que la beauté en est un élément. Peut-être que je me sers de la beauté pour faire contraste avec le vide, avec la fadeur des choses. » (Les voix dans la chapelle)

     

    Michaël Borremans

     

    Winterreise © Michaël Borremans / Zeno-X-Gallery(Antwerp)

    Michaël Borremans, As sweet at it gets, sous la direction de Jeffrey Grove, Palais des Beaux-arts, Bruxelles, Hatje Cantz, 2014.

  • L'oeil abîmé

    « As sweet as it gets » de Michaël Borremans (l’exposition se tient actuellement à Tel-Aviv, avant Dallas l’an prochain) fait l’objet d’un très beau catalogue grand format aux illustrations pleine page. Pour les textes, Jeffrey Grove, commissaire de l’exposition, qui présente le peintre et des entretiens avec lui, a mis à contribution 58 intervenants pour commenter très librement le travail de l’artiste belge : ils ou elles (presque un tiers) sont écrivain, critique, conservatrice, enseignant, historienne, musicien même.borremans,michaël,as sweet as it gets,exposition,catalogue,peinture,peintre belge,contemporain,culture

     Couverture du catalogue © 2014 Hatje Cantz Verlag

     « Pas trop doux », son texte de présentation, souligne l’ambivalence du titre anglais, « certes humoristique et ouvert, mais il recèle aussi des intentions potentiellement plus sombres. » Après avoir rappelé que Michaël Borremans, d’abord graveur et photographe dilettante, ne s’est mis à peindre qu’à trente-trois ans (et à exposer quatre ans plus tard), Grove balise son univers, peinture et dessin, qui révèle une « faculté troublante de transcender le temps et l’espace ». 

    Les réponses de Borremans à son interviewer – entretien divisé en sept pages, tout au long du catalogue – m’ont fort intéressée. Il importe de savoir qu’il ne peint jamais d’après nature, c’est une de ses « règles strictes » : « J’ai toujours peint la culture. C’est absolument crucial pour moi. » Peindre la nature lui paraît très désuet, et il déclare ne jamais peindre à partir d’un modèle. « Dead Chicken » n’est pas une poule morte, mais la représentation d’une poule morte, « morte pour l’art » puisque c’est lui qui a demandé à un ami de la tuer.

     

    Cette distanciation volontaire explique en partie l’effet d’étrangeté produit par la peinture de Borremans et, peut-être encore plus, par ses dessins. Philippe Van Cauteren, directeur artistique du S.M.A.K. à Gand : « Chaque œuvre sème le trouble grâce au mensonge et à la mystification de la figuration et, en tant qu’artiste, tu nous montres clairement que c’est toi qui tires les ficelles. » (Lettre à Michaël Borremans)

     

    L’artiste, sans cesse en dialogue avec des maîtres de la peinture comme Velasquez ou Manet, Chardin ou Goya,  joue des mots comme du pinceau, finement et l’air de rien. Lui qui juge l’opéra « un genre obsolète » a travaillé au décor pour Le voyage d’hiver de Schubert (Bozar), un de ses compositeurs préférés : « C’est si beau, si fort, si puissant, si triste, si magnifique. » (Du sublime à l’absurde)

     

    Borremans raconte comment il a peint « The Visitor », une figurine en porcelaine, telle qu’elle était posée là, telle qu’il la voyait de la chaise où il était assis dans son nouvel atelier où il l’avait apportée avec d’autres éléments de l’ancien. Il s’était dit : « Tiens, on dirait un visiteur. » Peindre est pour lui une affaire d’inspiration et non de travail, de qualité et non de quantité : « Je veux que chaque œuvre soit exceptionnelle. Sans cela, ça n’a pas de sens. Il y a déjà tant de camelote dans le monde, pourquoi en rajouterais-je ? » (Interprétation et inspiration)

     

    Si au Palais des Beaux-Arts, le face à face avec les toiles m’a subjuguée, j’ai retrouvé dans ce catalogue d’exposition – textes et images – le malaise et un certain pessimisme ressentis alors, mêlés à l’admiration devant la belle matière, la belle manière de l’artiste. A cause des regards détournés, des corps chosifiés, sans doute, mais aussi de de la menace sous-jacente. Borremans, s’il habille ses figures de vêtements d’antan, dévoile un climat contemporain de violence banalisée et d’indifférence, tout en tension.

     

    Jeroen Laureyns, critique d’art et professeur : « Dans l’univers pictural de Borremans, l’homme est prisonnier d’une répétition infinie de gestes absurdes dans un monde dirigé et contrôlé par une force mécanique invisible, où les surveillants et les exécutants ne sont que des somnambules qui ne trouvent plus aucun sens à ce qu’ils font et ne manifestent pas la moindre velléité de révolte. » (La culture de la peur)

     

    J’emprunte le titre de ce billet au texte interpellant d’Ahuva Israël, conservatrice du musée d’art contemporain de Tel-Aviv, qui s’interroge sur la vision dans le monde de Borremans et dans le nôtre aujourd’hui : « L’œil voyant – observant, ouvert, embrassant, – l’œil qui nous permet réflexivement de faire l’expérience de l’espace éthique et de comprendre le contexte dans lequel nous vivons et agissons, cet œil s’est abîmé au contact du champ visuel frénétique et non hiérarchisé de notre époque. Il n’est plus en mesure de voir ce qui est caché, il a perdu sa fonction de liberté, de responsabilité et de critique. Le regard est bloqué, détourné, abattu, il est devenu aveugle et indifférent. » (Elles ont des yeux et ne voient point – Psaume 115:5)

     

    Bref, c’est un catalogue passionnant. Vous le trouverez à la bibliothèque Sésame à Schaerbeek et, je l’espère, dans toutes les bonnes librairies ou bibliothèques près de chez vous.

  • Suspendue

    lesbre,michèle,ecoute la pluie,roman,littérature française,culture

     

     

    « Tu étais sans doute déjà à l’hôtel, et de la fenêtre de la chambre tu te laissais bercer par les vagues, mais j’étais incapable alors d’imaginer cet instant, je crois même que j’avais oublié notre rendez-vous, quelque chose s’était rompu et j’étais suspendue au-dessus d’un précipice. »

     

    Michèle Lesbre, Ecoute la pluie