« Nous prenons nos repas sur cette table en plastique.
C’est là aussi que j’écris les discours pour ma défense et mes textes personnels, avec des stylos-billes que j’achète à la cantine.
Pendant que j’écris, mes camarades de cellule sont assis à côté de moi et regardent la télévision.
Je peux écrire n’importe où, le bruit et l’agitation ne m’ont jamais dérangé. D’ailleurs, une fois que je suis plongé dans l’écriture, tout ce qui m’entoure disparaît. Je romps le contact avec le monde extérieur et m’enferme dans une pièce invisible où personne ne peut entrer que moi.
J’oublie absolument tout en dehors du sujet qui m’occupe.
L’une des plus grandes libertés qui puissent être accordées à l’homme : oublier. Prison, cellule, murs, portes, verrous, questions, hommes – tout et tous s’effacent au seuil de cette frontière qu’il leur est strictement défendu de franchir. »
Ahmet Altan, Je ne reverrai plus le monde