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  • Chez soi, en ligne

    En ces temps inédits où nous restons chez nous autant que possible, il est à nouveau possible de lire en ligne un essai de Mona Chollet, Chez soi, dont je vous ai parlé en 2016. En voici un autre extrait.

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    Anna BochIntérieur

    « On n’a pas le droit d’habiter sa maison, sous peine de se heurter à une censure immédiate. On n’a le droit que de la consommer. On retrouve là le double standard moral dont notre société est prisonnière : dureté envers soi-même, exigence de rendement, mortification et sacrifice dans la plupart des domaines de la vie ; satisfaction immédiate de tous les désirs, réconfort et consolation dans le seul domaine de la consommation. Le slogan « Parce que je le vaux bien » est unanimement considéré comme une grande réussite marketing ; mais s’il apparaissait, par exemple, sur une pancarte dans une manifestation pour la défense des retraites, il susciterait un déluge de commentaires désapprobateurs, indignés. Vous avez droit à un shampoing brillance bourré de silicones, mais pas à une vieillesse sereine. Vous avez droit à un canapé king size payable par mensualités – il est même de votre devoir d’en acquérir un –, mais pas à de longues heures de rêverie dans votre vieux fauteuil. Cette dualité, je l’ai déjà rencontrée en travaillant sur un tout autre sujet : la philosophe américaine Susan Bordo l’invoque pour expliquer l’articulation entre anorexie et boulimie. L’anorexie, dit-elle, est du côté de l’éthique du travail et de ses valeurs de mortification, tandis que la boulimie représente un abandon sans frein à la condition de consommateur. L’alternance des deux comportements traduit l’injonction paradoxale à laquelle nous sommes soumis en permanence. Je rêve de la société entièrement nouvelle qui naîtrait si l’on parvenait à pulvériser ce cloisonnement, et à faire sortir de la sphère consumériste la conviction que nous méritons des vies dignes de ce nom. »

    Monat Chollet, Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique