« J’avais épargné à Minette le dessin raciste. Elle ne savait rien de la Vénus hottentote parce que je l’avais détruite, déchirée en morceaux, quelques minutes après l’avoir découverte sur le sol.
Quiconque était responsable, quiconque haïssait Minette, habitait certainement Haven Hall. C’était, sans doute, c’était sûrement la ou les mêmes personnes qui avaient pris son anthologie de littérature et l’avaient endommagée. Personne d’autre n’aurait pu accéder aussi facilement à notre appartement du troisième, et personne d’autre ne pouvait avoir autant d’animosité envers Minette. […]
L’une des traditions révérées du Schuyler College était son code de l’honneur. On signait un serment, on jurait de ne pas tricher et de ne pas protéger celles qui trichaient. Ne pas signaler une tricherie était presque aussi grave que de tricher. Les étudiantes qui violaient le code de l’honneur étaient sévèrement punies, du moins en théorie. J’avais donc peut-être eu tort de ne pas signaler le dessin raciste. J’avais réagi impulsivement, sans réfléchir. »
Joyce Carol Oates, Fille noire, fille blanche
Commentaires
Ce roman semble passionnant ! Merci Tania , ce sera un de mes livres de l'été ! Bises.
J'espère qu'il te passionnera aussi, Claudie. Bonne semaine !
Dénoncer/ Ne pas dénoncer : voilà un dilemme, qui se pose ou pas, selon les pays. J'avais été frappée par le fait qu'en Allemagne, dénoncer, par exemple un mauvais conducteur est tout à fait admis. Malgré l'envie que j'en aie souvent, je pense (sauf extrême exception) que je n'y arriverai jamais : un véritable tabou : on ne dénonce pas et pourtant...
Je ne sais pas grand-chose des différences de mentalité à ce sujet d'un pays à l'autre, Annie. La délation me semble condamnée partout. Autre chose est de témoigner contre quelqu'un pour défendre une victime.
Dans le contexte de cet extrait, Genna ne connaît pas la personne qui s'en prend à Minette, elle n'a rien signalé pour éviter d'aggraver les remous autour d'elle mais se demande si elle n'a pas eu tort.