Dans Bitna, sous le ciel de Séoul (2018), Le Clézio donne la parole à une Coréenne de dix-huit ans : la narratrice, l’héroïne du roman, une conteuse. Jeune fille aux yeux clairs, aux cheveux couleur de maïs, Bitna est née dans une famille modeste en province. Une tante a accepté de la loger dans son minuscule appartement de Séoul, juste à côté de l’université où elle s’est inscrite. Elle y partage la chambre de sa cousine Paek Hwa, une gamine infernale de quatorze ans.
Aussi Bitna quitte l’appartement dès qu’elle le peut – « La rue, c’était mon aventure. » Elle aime regarder les gens, discrètement, « imaginer toutes sortes de choses à leur sujet ». Dans un petit carnet, elle note des descriptions, des noms, des lieux. Un proverbe dit : « On se reverra un jour ou l’autre sous le ciel de Séoul. » Son meilleur poste d’observation est une librairie où elle passe de plus en plus de temps à lire des livres étrangers, sans que cela dérange le jeune libraire qu’elle a baptisé M. Pak.
Un jour, celui-ci lui montre une lettre de Kim Se-Ri (elle préfère qu’on l’appelle « Salomé ») : malade, celle-ci offre un bon salaire à qui viendra lui « raconter le monde ». Parfait pour Bitna qui rêve de se trouver un nouveau logement. C’est ainsi que naît sa première histoire, contée en avril 2016, celle de M. Cho Han-Soo et de ses pigeons, qu’il emmène sur le toit de l’immeuble dont il est le concierge.
Comment Bitna passe ses journées, les histoires qu’elle raconte, ses déménagements, ses rapports avec M. Pak et avec Salomé qui décline, voilà l’intrigue toute simple du roman. Le Clézio a l’art d’y semer de courtes réflexions très justes sur la vie et sur la mort, en passant, mêlées à des observations concrètes sur la manière dont les êtres humains se débrouillent les uns avec les autres, à tout âge, sur leur aspiration à la liberté.
« Occidental indéniablement, mais méfiant vis-à-vis de tout ce qui est trop intellectuel, trop rationnel, attiré par la magie, le surnaturel, les endroits où le présent et le passé cohabitent mystérieusement et naturellement » (Télérama), J.M.G. Le Clézio connaît bien Séoul, il y a reçu la presse pour la promotion de ce roman.
Dans cet hommage rendu au conte, l’écrivain prête souvent à Bitna son regard de sage. Pour lui, rien de plus « dépaysant » que de se mettre dans la peau d’une jeune provinciale plongée dans l’univers urbain de la Corée moderne, comme il l’expliquait à La Grande Librairie. Il crée souvent des personnages jeunes : serait-ce parce qu’ils portent sur le monde son éternel regard de jeune homme voyageur ? Conteuse ou écrivain, en somme, c’est un peu pareil. Bitna, sous le ciel de Séoul, est une fable sur la littérature.
Commentaires
mais pourquoi l'avoir faite blonde aux yeux clairs?
(ça doit être le Boileau qui sommeille en moi ;-))
Comme j'ai aimé ce "l'intrigue toute simple du roman". J'avias oublié ce titre mais je vais tout de suite le noter car Le Clézio a toujours été pour moi un grand plaisir de lecture en plus de la grande admiration que je porte également à l'homme. Merci Tania !
J'imagine qu'à travers ces récits on apprend la Corée aussi.
J'ai lu ceci: dans La Croix
"Ce roman est né à la fois d’une requête de la municipalité de Séoul auprès de J. M. G. Le Clézio et d’un désir plus profond : l’attrait irrésistible du prix Nobel de littérature 2008 pour la Corée. En résulte un livre de commande qui a la douceur d’une évidence."
https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/Bitna-ciel-Seoul-Le-Clezio-2018-05-05-1200936828
Comme Annie, un homme que j'admire et que j'aime lire, toujours profond.
J'ai assez peu lu Le Clézio, pourtant j'apprécie son écriture et ses histoires. Il faudrait que je renoue avec lui un jour ou l'autre.
@ Adrienne : C'est expliqué précisément au début du roman, une façon de la singulariser et peut-être de la rapprocher de lui ?
@ Annie : J'ai lu de lui des romans plus fouillés, mais avec Le Clezio il y a toujours quelque chose qui passe.
@ Colo : Merci pour ce contexte, c'est cela.
@ Aifelle : Je le lis depuis "Le procès-verbal", c'est un grand écrivain et quelqu'un qui écoute et qu'on écoute, y compris dans ses silences.
Justement, j'ai acheté quelques romans coréens et je n'ai jamais lu Le clézio, ce livre sera parfait pour une double découverte :-). En revanche, je pense attendre la sortie poche de ce livre ou l'emprunter...
Une fable sur la littérature c'est tres tentant
@ Maggie : Ce n'est pas la meilleure entrée pour découvrir Le Clézio, mais tu seras bien dans l'atmosphère coréenne.
@ Dominique : Entre la vie et l'imaginaire, jeter des passerelles.
Notre neveu a une compagne coréenne de Séoul, Hi-Jin ... elle nous a souvent exprimé ce sentiment d’enfermement ressenti dans l’appartement de sa famille partagé avec ses grands-parents et une tante célibataire.
Le besoin de Bitna pour s’échapper s’est réalisé chez elle par les voyages. Un jour elle a pris son sac à dos et s’est mise sur les routes en travaillant à gauche, à droite.
Trouver un peu de liberté grâce à la lecture, l’imaginaire, la magie... est une autre solution, plus courageuse ... enfin, il me semble.
Séoul, 5e au rang des mégalopoles asiatiques avec plus de 25 millions d'habitants… On imagine facilement que l'espace vital de chacun en est réduit, en plus des conditions économiques.
A chacun, chacune, d'inventer son chemin, oui. Bon week-end, Witchy.
Je n'ai absolument jamais lu Le Clezio. IL ne m'attire pas du tout, pourtant je sens que ça manque à ma culture.
Je te souhaite d'aller à sa rencontre un jour, avec "Lullaby", court et poétique, "Désert", "Le chercheur d'or" ou "Etoile errante", ou encore dans un autre genre, "Diego et Frida".
J'aime infiniment cet homme habité par une exceptionnelle humanité. J'ai commencé par sa traduction des Prophéties du Chilam Balam, c'était une découverte absolue qui a été pour moi un point de départ... Son écriture est belle, son regard est pur. J'ai hâte de découvrir ce nouveau roman commandé à la bibliothèque. Un Le Clézio est toujours un évènement. Bises, merci Tania, douce journée. brigitte
Tu attires ma curiosité sur ces textes mayas que je ne connais pas du tout. Je te souhaite déjà bonne lecture de ce dernier opus.
Je suis une inconditionnelle de Le Clézio.
J'ai lu ce livre bien entendu,ainsi qu'"Alma" juste avant d'aller à la rencontre de l'auteur. Il a fait salle comble (une grande salle de spectacle conçue pour les rencontres d'auteurs)dans ma librairie préférée. J'étais au 2eme rang, juste derrière sa femme. J'ai passé une soirée de rêve et j'en reste toujours éblouie: par sa simplicité, son humour, son humanité, sa bienveillance ... La soirée s'est déroulée en deux temps: entretien avec une libraire et ensuite Le Clézio s'est prêté de bonne grâce au jeu de questions réponses avec les spectateurs, avant le temps de dédicaces. Il nous a recommandé la lecture notamment de "Chercheur d'or" et de " Voyage à Rodrigues", ces deux livres étant complémentaires de Bitna.
Je n'ai pas regretté mes deux heures d'attente debout pour être sûre d'entrer dans la salle , mais je n'ai pas attendu le temps des dédicaces qui menaçait de se prolonger jusqu'à minuit...
Le Clézio nous a exposé aussi son engagement pour faire connaître la littérature (des autres a-t-il précisé) à Séoul et en septembre il inaugurera un centre culturel à Rodrigues.
Voilà... C'est tout simple... Comme un grand Monsieur Le Clézio.
Merci beaucoup, Maïté, pour ce témoignage qui nous permet de partager un peu cette belle rencontre que tu rends avec force. Le Clézio, grand écrivain et grand monsieur, tu as raison de le souligner.