« Ali lui cria du salon :
– Toi, la Française, on ne t’a rien demandé !
Claire se rassit, choquée. Elle murmura :
– Comment ça, « la Française » ? Et toi, tu es quoi ? chinois ? Et Malika, elle est quoi ? albanaise ? Malika fulminait.
– Ali, tu ne parles pas comme ça à mon amie ! Tu ne la traites pas de Française !
Claire éclata d’un rire nerveux.
– En même temps, ce n’est pas une insulte…
Malika se mit à rire à son tour. Brahim marmonna quelque chose. Malika, retrouvant son sérieux, se tourna vers lui, excédée.
– Oui ? Il dit quoi, lui, l’intrus ? Brahim recula d’un pas en levant la main, comme s’il se retirait de la querelle.
– Kh’ti*, moi, je ne te parle pas, je ne rentre pas dans vos histoires.
Malika s’avança vers lui.
– Tu ne me parles pas mais quand tu es seul avec Ali, tu ne te gênes pas pour lui parler. Tu le montes contre moi et contre Claire. Tu crois que je ne vois pas ce qui se passe depuis quelques semaines ?
Brahim avait toujours la main levée, la paume tournée vers Malika. Il grommela :
– Binatkoum**. Ça ne me regarde pas.
Ali, qui était resté debout, fit un pas vers Malika, le doigt en l’air, menaçant.
– Tu arrêtes d’agresser mon cousin ? Qu’est-ce qu’il t’a fait ? »
* Ma sœur / ** C’est entre vous (notes en bas de page)
Fouad Laroui, Ce vain combat que tu livres au monde
Commentaires
ah oui, ça se présente mal...
Tendue la situation ..
@ Adrienne, @ Aifelle : Oui, c'est le moment où la crise éclate, elle va s'exacerber.
Je viens donc d'aller lire ton billet précédent...qui m'a "mise au parfum". Oh c'est tellement intrigant de savoir comment ces situations peuvent se vivre, comment on se sent vu de l'autre côté. Je me souviens avoir pleuré, au Nouveau-Mexique, en réalisant que les indiens pueblo du Trading post où je venais d'aller me ... méprisaient, sans autre raison que celle que j'étais blanche. C'était tellement inattendu, et blessant, anonyme d'ailleurs puisqu'ils ne me reverraient jamais et ne m'avaient jamais vue avant. Mais voilà, tout d'un coup c'est moi qui était là et eux ici...
Merci, Edmée, de raconter cette expérience déstabilisante. On est tous l'étranger, l'étrangère de quelqu'un. Dans le roman de Fouad Laroui, les quatre personnages vivent pourtant dans la même ville, le même pays.
Une tête d'étranger !
Cela ne veut rien dire, on est tous l'étranger de quelqu'un ;-)
Oui, Pâques. Certains l'oublient et cherchent des boucs émissaires.
oui, en effet où commence la limite de "l'étranger"?
Elle peut descendre bien bas puisque certaines vieilles personnes de la campagne disent d'une personne qui est du village voisin qu'il est "étranger"...
Pendant que d'autres se disent citoyens du monde: ça fait réfléchir.
Pour en sourire aussi, me revient ce poème de Prévert (dans "Fatras") que j'adore :
"Être Ange
C’est Étrange
Dit l’Ange
Être Âne
C’est étrâne
Dit l’Âne
Cela ne veut rien dire
Dit l’Ange en haussant les ailes
Pourtant
Si étrange veut dire quelque chose
étrâne est plus étrange qu’étrange
dit l’Âne
Étrange est !
Dit l’Ange en tapant du pied
Étranger vous-même
Dit l’Âne
Et il s’envole."