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Ils/elles étudiaient

Il y a trois mois, je mettais ce blog en pause, en hommage aux victimes parisiennes de deux fous vengeurs, ou plus exactement trois, je corrige (10/4). En ce début d’année 2015, les tragédies se succèdent à la une des médias : accidents, attentats, folie suicidaire… Ici et ailleurs. Lectures, expos, balades, j’aime partager avec vous mes coups de cœur et ces instants de grâce qui naissent de la découverte, de l’émerveillement – c’est mon cap. Mais laisser dans le silence les 147 tués de l’université de Garissa, au Kenya, des étudiants pour la plupart, ce jeudi 2 avril au matin – sans compter les blessés !

 

Un commando islamiste les a pris pour cibles. En Somalie (à 98% musulmane), ces terroristes shebabs « ne se privent pas de tuer des musulmans ». Ici, ils ont pris soin de trier les étudiants, laissant la vie aux musulmans, assassinant les chrétiens : « on ne peut qu’en déduire que le but de ce « tri » est d’attiser les tensions religieuses au Kenya (chrétien à 75 %), afin de pousser tous les musulmans kenyans au jihad », écrivait Marie-France Cros dans La Libre Belgique, vendredi dernier.

 

Un an plus tôt, des islamistes enlevaient deux cents lycéennes à Chabok, au Nigéria, chrétiennes pour la plupart, forcées à la conversion et au mariage – on ignore encore aujourd’hui leur sort véritable. Un spécialiste français s’est insurgé contre l’emballement médiatique autour de cette affaire, pour diverses raisons (à lire dans L’Express), en contraste avec l’indifférence générale des médias, quelques semaines plus tard, au massacre de trois cents villageois nigérians par Boko Haram.

 

Ils/elles étudiaient. Ils/elles se formaient pour être un jour des hommes et des femmes instruits, actifs, critiques. Si ces attaques visaient des chrétiens, elles s’en prennent aussi volontairement à ceux, à celles qui se préparent pour un avenir meilleur. En Afrique, pouvoir étudier est un privilège, ce qu’ont peine à imaginer tant de jeunes européens habitués à l’enseignement obligatoire. Qu’un ex-enseignant radicalisé soit soupçonné d’avoir organisé le massacre à l’université laisse sans voix.

 

La prédication du Vendredi Saint à Rome déchire le silence relatif qui enveloppe ces innocentes victimes : « Les chrétiens, a remarqué le prédicateur, ne sont certainement pas les seules victimes des violences homicides dans le monde, mais on ne peut ignorer qu’ils sont les victimes désignées et les plus fréquentes dans de nombreux pays. »

 

Pourquoi ce billet ? Sans doute parce que l’enseignement me tient à cœur, parce que la jeunesse du monde est son espérance, parce que la violence terroriste est un défi crucial et terrifiant pour tant de peuples si peu armés pour s’en défendre. Je me suis émue de la destinée d’un jeune idéaliste pris au piège dans le Grand Nord. Pour ces lycéennes, ces étudiants devenus des cibles, sous de fallacieux prétextes religieux, ma révolte et ma tristesse sont sans nom.

Commentaires

  • Merci beaucoup pour ce billet.
    Comment ne pas éprouver les mêmes sentiments que toi, qu'Adrienne? Que tous et toutes j'imagine.

    (je pense en ce moment à Ramane, tu le connais).

  • Nous sommes de plus en plus impuissants contre cette nouvelle peste qui atteint des individus qu'on pensait sains. Un suicidaire entraine 150 personnes dans son désastre personnel. D'autres aussi désespérément remplis de morbidité mitraillent des jeunes gens au sein d'une université, le Yémen à feu et à sang. Difficile en effet de se consacrer à nos paisibles activités de lecture et de contemplation.
    Quant au jeune homme d'Into the wild, j'ai vu le très beau film (pas lu le livre) et en effet, on en sort navré du gâchis d'une vie si exaltée, mais au moins n'a-t-il mis en danger que la sienne.

  • @ Colo : J'ai pensé à lui, j'ai pensé à Malala qui déclarait à l'ONU : « Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. Le pouvoir de l'éducation les effraie. »

    @ Zoë Lucider : Nous ne pouvons que dénoncer ces massacres. Et continuer envers et contre ces forces de haine à cultiver notre jardin de paix.

  • Que faire ? les crayons semblent bien faibles. Ca me dépasse. Je crains que ce soit une escalade, au début hélas et qu'inexorablement, les médias, les "consultants spécialistes", les politiques... nous habituent à ce "silence relatif", on a fait plus de bruit pour des statues saccagées.

  • C'est tout à fait effrayant et en écrivant cela je pense plus à mes petites enfants, quel monde leur prépare t-on ?

  • Ton billet résume ce que je pense moi-même, on est sans voix devant ce qui s'est encore passé la semaine dernière. Où la folie meurtrière de certains peut-elle s'arrêter ? Et le pourquoi reste sans réponse, du moins les hypothèses avancées sont toutes insatisfaisantes. Le désarroi est grand.

  • @ Liousha Tiki : Oui, mais continuons à nous servir de nos crayons. L'édito de La Libre va dans ce sens aujourd'hui : http://www.lalibre.be/debats/edito/edito-on-s-habitue-a-la-barbarie-5522cc023570fde9b28cdea3

    @ Dominique : Un monde pour le plus grand profit des marchands d'armes serait le pire des mondes.

    @ Aifelle : Lu dans Le Monde aujourd'hui que "Chabab" veut dire "jeunesse" ! On se croirait dans le monde d'Orwell : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/04/06/kenya-qui-sont-les-chabab-a-l-origine-du-massacre-de-garissa_4610445_3212.html

  • Avec la grève à Radio France, j'ai moins écouté la radio (et je n'ai pas la télévision...). Les infos reviennent au compte goutte en ce moment, et il faut avouer que cela n'est pas très réjouissant :-(
    Entre cet événement et le rappel du génocide rwandais, la "matinale" a été plombante !
    Mais heureusement, je pars bientôt voir "mes jeunes" pour une matinale plus joyeuse ;-)
    Bonne journée Tania

  • @ Margotte : En général, je tiens les sujets politiques à distance mais tous ces jeunes, cette joie de vivre assassinés, je tenais à leur faire ne fût-ce qu'un signe de la main. Bonne journée, elle s'annonce bien printanière !

  • Ce qui se passe est atroce, et vous faites bien d'en parler ici. Ces gens-là sont des barbares et nous devons les combattre. Merci pour ce billet.

  • Des étudiants de l'Université Libre de Bruxelles ont organisé mercredi un hommage aux 148 victimes kenyanes : http://www.lalibre.be/actu/belgique/plus-de-1-500-personnes-rassemblees-a-l-ulb-pour-les-victimes-de-l-universite-de-garissa-5525842935704bb01ba55271

  • «Des peuples si peu armés pour s'en défendre». Je retrouve là l'idée qu'il ne suffira plus de leur apporter de l'aide alimentaire et des soins, mais des armes.
    Je suis heureux que vous rappeliez ce qui ne va pas, ce qui ne va plus dans le monde. Que nous le voulions ou non, le monde violent et injuste nous rattrape et nous pouvons mal laisser les crimes à distance. À cause de l'œil mondialiste des médias mais aussi parce que cela se passe chez nous.

  • Tout cela est politiquement très compliqué, et profite sans nul doute, c'est le cas pour toutes les guerres, à la prospérité des marchands d'armes et des sociétés de sécurité. Sur la route, écouté une intéressante émission sur France Inter, que vous pouvez réécouter en ligne, à propos des migrants et des passeurs : http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1083519

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