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Une haine adulte

« Une haine adulte et mature n’a pas ce caractère de réaction immédiate : c’est une disposition durable. Elle ne s’épuise pas dans une explosion sauvage, elle ronge l’homme toute sa vie, influe sur tous ses actes. Elle se manifeste de mille façons, depuis l’hostilité ouverte jusqu’à la non-reconnaissance obstinée, se revêt de toutes les nuances de la fureur, de la colère, de l’animosité, de la malveillance, de l’agressivité, de la vengeance, de la perfidie et de l’envie, de la moquerie, du mensonge, de la calomnie, mais ne se réduit à aucun de ces sentiments. La haine n’a pas de coloration spécifique et, lorsqu’elle atteint son apogée, elle n’a plus besoin d’être « exprimée ». Un enfant manifeste sa haine en criant, en tapant des pieds, en mordant. Un sauvage, en massacrant, en fendant des crânes, en faisant couler le sang. Mais il existe une haine adulte qui peut s’exprimer par un sourire aimable et un salut poli. »

 

Julius Margolin, Voyage au pays des ze-ka

Margolin Couverture.jpg

 

Commentaires

  • "Une disposition durable"...terrible, affreux constat.

    De plus la haine collective, indistincte, revêt une telle incompréhension pour ceux qui en sont les victimes.

  • "La haine n’a pas de coloration spécifique et, lorsqu’elle atteint son apogée, elle n’a plus besoin d’être exprimée"
    "Mais il existe une haine adulte qui peut s’exprimer par un sourire aimable et un salut poli."
    Très bel extrait et comme ces phrases résonnent bien dans notre monde d'aujourd'hui !
    Au lieu de condamner ceux qui prônent la haine de l'autre, de l'étranger à l'assisté en passant par le fonctionnaire ou le jeune rebelle on préfère dire qu'une certaine dame au sourire bleu marine a "dédiabolisé" son parti. Elle a en quelque sorte rendu la haine plus "respectable".
    Bonne journée Tania

  • @ Colo : Une analyse de la haine qui, hélas, fait penser à l'extrémisme tel qu'il se montre encore aujourd'hui. Un aveuglement.

    @ Gérard : Merci, Gérard. Je vois que ce texte nous conduit vers les mêmes constats. En Belgique aussi, contre elle plus exactement, des sourires aimables comme des couteaux.

  • Et contre elle, "le sentiment de la dignité humaine, ce fruit fragile et tardif de la culture européenne" (Margolin).

  • Chère Tania,

    Quel beau et terrible texte que celui de Margolin. Je ne connais pas cet auteur, je vais lire la suite de ton texte.
    La haine se rencontre partout, dans les conflits, évidemment, mais malheureusement aussi dans les familles. Quels ravages ne produit-elle pas ! Quelles destructions !
    Une phrase - je ne sais plus de qui - m'a souvent aidée : "La haine détruit celui qui l'éprouve."

  • Chère Tania,

    Je n'arrivais pas à mettre mon commentaire. J'ai cliqué plusieurs fois et tout était bloqué. Je reviens pour le mettre et je constate qu'il y ait plusieurs fois ! Aurais-tu la gentillesse de supprimer les doublons ? Merci

  • Malheureusement je l'ai trop croisé dans mon existence. Cette haine silencieuse et sournoise.
    L'extrait de ce texte tel que je le perçois me semble être d'une vérité sans détours. Et très juste. Hélas.

  • @ La bacchante : Cette "grande H" me rappelle la définition de Frans Kafka - "un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous". "Voyage au pays des ze-ka" est un de ces livres-là.

    @ Mado : Merci, Mado, et désolée pour la lenteur des commentaires à passer en ligne. La phrase que tu cites se vérifie trop souvent autour de nous.

    @ Armando : Julius Margolin, pour dire son terrible voyage, trouve le ton juste, clair, précis, sans détours en effet. Heureusement l'amour, l'amitié sauve, il le montre aussi.

  • Il me viennent ces mots de Gandhi "La haine tue toujours, l'amour ne meurt jamais".
    Bonne journée.

  • @ ArRi : Bienvenue, ArRi. Que ces mots de Gandhi et la merveilleuse chanson qui ouvre votre blog vous soient promesses de bonheur - en musique.

    @ Dominique : Tu me donnes l'occasion de redire, chère Dominique, à quel point ces échanges sont le sel d'un blog. A bientôt chez toi.

  • Tout le monde connaît l'existence de cette "haine adulte" et sait qu'elle peut prendre un profil aimable et poli. Mais la question porte sur ses origines. D'où vient-elle ?

  • Quelques phrases du chapitre consacré à ce sujet.
    "Ce que j'avais observé autour de moi et ce que j'avais moi-même enduré fut une véritable révélation de la Haine. Autrefois j'avais entendu parler de la Haine, j'avais lu des textes s'y rapportant, mais, personnellement, je ne l'avais jamais connue."
    "La Haine naît dans des conditions telles que nous sommes liés et ne pouvons nous dégager. C'est une affaire de voisinage. Qu'elle soit personnelle, de classe, ou nationale, la Haine s'élève toujours entre des hommes enchaînés les uns aux autres, entre voisins, entre Montaigu et Capulet. Un simple trait les sépare."
    "Nous ne pouvons haïr ce qui nous est totalement incompréhensible ou étranger. L'incompréhensible engendre la peur. La Haine exige une connaissance profonde et nous oblige constamment à nous intéresser à ce qui la suscite."
    "Elle ne redoute que la lumière du jour. La Raison est son ennemi naturel. Ceux qui l'éprouvent sont d'accord, dans le monde entier, pour nier la liberté de l'esprit. La marque de Caïn, grâce à laquelle on reconnaît cette véritable Haine, est le mépris de toute pensée libre, la négation de l'esprit."

  • Merci pour cet éclairage Tania.
    Une affaire de voisinage, un intérêt constant et la raison, l'esprit, la lumière qui est son pire ennemi... à quand un développement des neurones qui surplombe cette caractéristique humaine ?

  • Quelle belle formule que cette dernière phrase, qui fait froid dans le dos ! La haine fait mal, quelle qu'en soit la forme...

  • @ MH : Affaire de neurones ? affaire de coeur ?

    @ Annie : Merci de l'écrire, Annie. Il y a plein de "grands" passages dans "Voyage au pays des ze-ka" que j'aurais aimé reproduire. J'espère que ces billets donneront à Margolin quelques lectrices ou lecteurs de plus.

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