« Mais la beauté extraordinaire du printemps à la campagne cette année réveillerait un mort. La nuit, un vent chaud agite les jeunes feuilles des arbres, il y a le clair de lune, les ombres, les rossignols plus bas, plus haut, plus loin, plus près, leurs chants à l’unisson ou syncopés, au loin des grenouilles, le silence, l’air embaumé et chaud – tout cela est inattendu, ne correspond pas à la saison, c’est très étrange et beau. Le matin, il y a de nouveau un jeu de lumière et d’ombres des grands bouleaux de l’allée, vêtus d’une épaisse ramure, projetées sur l’herbe déjà haute et vert sombre ; il y a les myosotis, les orties impénétrables, et toujours – c’est l’essentiel – l’agitation des bouleaux de l’allée, la même qu’il y a soixante ans quand j’ai remarqué pour la première fois cette beauté et que j’en suis tombé amoureux. »
(Iasnaïa Poliana, le 3 mai 1897)
Tolstoï, Lettres à sa femme
Commentaires
A 'heure où j'écris ces mots il y a devant moi deux petits verdiers qui se disputent un bourgeon . Plus loin deux jeunes merles aussi avec leur joli bec orange qui fouillent l'humus sous les bouleaux .
Il y a quelques minutes un geai multicolore a atterri lourdement devant la porte-fenêtre de notre salon .
Ici pas besoin de télévision , c'est tous les jours un spectacle différent et vivifiant .
La nature est magnifique au mois de Mai ,la lumière si particulière nous redonne du punch et un moral d'acier.
29 degrés hier, un soleil "plombant". La Bretagne n'est pas habituée à ces températures . Humidité aidant on entendrait presque pousser les fleurs.
Si seulement cette beauté suffisait "à réveiller les morts" !
La longue phrase sur la nuit est superbe, si évocatrice...et m'est plus familière que les bouleaux, absents ici.
Passe un étrange et beau weekend Tania.
La souplesse des fines branches des bouleaux qui ondulent au moindre souffle est un spectacle pacifiant. Merci pour ce texte qui donne à voir comme dans un tableau "la beauté extraordinaire du printemps".
Etrange aussi, mais dans un tout autre registre : Edith Piaf
- "Cette crapule
Qui nous tombe sur les bras.
Depuis le temps
Qu'on l'attend
Comme une bombe, le voilà.
Le revoilà, le printemps
Tout fleuri de lilas
Qui rapplique en dansant,
En dansant la java.
'y a la foule dans les rues
Qui suit les orphéons,
Des épaules toutes nues
Et du monde au balcon.
C'est la fête aux poètes..."
@ Gérard : Vous décrivez si bien votre printemps breton, merci Gérard. Je vous réponds dans le chant des oiseaux - auquel répond à l'instant un moteur de tondeuse ou de coupe-haies, c'est la saison. Les volubilis dont j'avais recueilli les graines l'an dernier poussent à qui mieux mieux. Très beau temps ici cette semaine, avec un ciel qui se voile légèrement ce dimanche matin.
@ Colo : Chère sorcière à l'écoute de la nuit... J'aime les bouleaux depuis toujours, mais les forêts de bouleaux russes, c'est quelque chose de magnifique, et bien sûr l'allée de Iasnaïa Poliana où je vois toujours J. avancer lentement au bras du guide, heureuse.
@ Fifi : J'ai la chance, Fifi, de voir par la fenêtre de mon bureau se balancer doucement un bouleau, assez loin dans l'îlot, mais présent, les arbres en ville sont particulièrement précieux aux citadins.
@ JEA : Après une semaine de soirées intenses à écouter et regarder les finalistes du concours Reine Elisabeth de violon - quelle fête - Piaf et piafs font danser le printemps. Bonne journée.
Comme toujours excellent choix d'illustration, Tania. J'aime beaucoup la photo des bouleaux et de la verdure. Elle complète merveilleusement le (beau) texte. Moi aussi c'est ce que je regretterai le plus de quitter en mourant (à part mes êtres chers bien sûr) : le spectacle toujours "changeant/semblable" de la nature, la végétation et les chants d'oiseaux.
@ Euterpe : Cette photo a été prise à Iasnaïa Poliana, Euterpe, lors d'un voyage inoubliable à Moscou et environs, et cette visite chez Tolstoï en est un des moments les plus forts.
Des fenêtres de mon nouveau bureau (après un an et demi, il me semble encore tel), là où je suis assise en ce moment, j'ai la chance de suivre ces métamorphoses des arbres et des jardins de ville, et de voir les oiseaux en plein vol - les hirondelles sont de retour matin et soir haut dans le ciel.