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Le sens de la chute

Lisez-vous souvent des nouvelles ? Une vie à coucher dehors (Prix Goncourt de la nouvelle, 2009) de Sylvain Tesson en rassemble quinze, où vous devriez trouver quelque bonheur de lecture, à défaut d'optimisme. L’asphalte, la première nouvelle du recueil, tourne autour de l’obsession d’Edolfius, un paysan de Tsalka, en Géorgie. Une piste caillouteuse traverse son village « au bord d’un lac à l’abri des ondulations de collines » et les nuages de poussière qui s’en élèvent le font tousser. Pourquoi ne couvre-t-on pas cette route d’asphalte pour « rabouter Tsalka à son siècle » ? Tract, pétition, contacts… Edolfius arrive à ses fins. Avec le ruban d’asphalte, les villageois découvrent la vitesse, la proximité de la ville, un nouveau mode de vie. Et le paysan son malheur. 

Voilier à l'entretien (La Seyne sur mer).jpg

Tesson, géographe et voyageur teinté d’un moraliste, plante sa plume ici ou là sur le planisphère : à lire la vraie vie d’un élevage de cochons dans le Dorset (Les porcs), pas sûr qu’on ait encore envie d’en manger. Qu’elles vivent au Népal ou au Texas, en Inde, en France ou au Mexique, les femmes savent comment se venger des hommes impossibles (Le bug). Et les ours de ceux qui les piègent (Le lac).

En Afghanistan, Zaher le démineur est excédé : sa femme vient d’accoucher d’une cinquième fille. En nettoyant les champs, l’équipe de déminage met régulièrement au jour des vestiges anciens, et cette fois Zaher tombe sur une gracieuse statuette. « Le génie grec féconda la mystique orientale. Un art nouveau naquit. Quinze siècles plus tard, les Talibans abattaient les canons de la beauté avec les canons de leur bêtise. La petite déesse enfouie devant Zaher était une alluvion de ces âges tumultueux. » Il décide de sauver l’objet, de lui substituer une pierre, y voit la promesse d’une nouvelle vie, d’un fils… Avec toute la prudence dont il est capable, réussira-t-il ? (La statuette)

Parmi quelques nouvelles maritimes – « Le bateau convient aux âmes fragiles que le chaos du monde rebute » (La crique) –, je vous recommande L’île, l’histoire d’un naufrage. Quelques rescapés échouent sur une petite île, avec assez de vivres pour subsister. Lothka, un professeur hongrois, va les sauver de l’ennui en leur racontant des histoires, quand vient la nuit. Ses compagnons d’infortune ignorent qu’il a récupéré sa malle pleine de livres et qu’elle est sa source d’inspiration. Leur réaction quand ils l’apprennent est une leçon de bêtise.

Sylvain Tesson a le sens de la chute, une loi du genre. En quatrième de couverture d’Une vie à coucher dehors, il annonce la couleur : « Rien ne sert à l’homme de trop s’agiter dans l’existence, car la vie, même quand elle ne commence pas très bien, finit toujours mal. Et puis une mauvaise chute vaut mieux qu’une fin insignifiante. »

Commentaires

  • la chute est peut-être moins "mauvaise" quand elle s'accompagne du violoncelle de Rostro...

  • La bêtise...cette incontournable bêtise!
    Être un ours vindicatif ou un exilé sur une île...s'agiter mais pas trop dit-il. Comme sur ta photo où la mer est placide mais les nuages si vivants.
    Bonne journée amiga.

  • @ JEA : Vous êtes le roi des allusions, définitivement.

    @ Colo : Magnifique voilier, mais les nuages, oui, je m'en suis rendu compte après, lui ont volé la vedette. Bonne soirée à toi.

  • Des histoires qui ne donnent pas de leçons mais qui "valent toutes les théories", de la lucidité sur l'humain, sur sa fragilité, la beauté du monde, l'absurde... voilà de très anciennes "nouvelles" qui me tentent très fort !! Ce petit Tesson finira dans ma bibliothèque ;-)

  • Quand je reviendrais de mes criques, il est sûr et certain que je lirai ces nouvelles, loin des autres, avec une délectation toute égoïste.

  • @ Damien : Merci, Damien. Tu as sans doute déjà lu les récits d'expéditions de Sylvain Tesson. Bon week-end de Pâques, là où tu t'es posé - à moins que tu sois à nouveau en route, en mer ?

  • Voilà qui devrait intéresser l'auteure et la lectrice de nouvelles que je suis!

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