« - Là !
Tous les soirs, ils cherchaient une crique. Les voyages aux quatre vents rendent exigeant. Il leur fallait un mouillage calme et extrêmement sauvage. La moindre trace de présence humaine déconsidérait tout endroit. Rien ne les déprimait davantage qu’une colonne de fumée plantée dans le moutonnement des arbres. Pas question de partager un paysage avec qui que ce soit. Si une route desservait la plage où le vent les avait conduits, ils viraient de bord. Sur l’eau et dans la vie, le demi-tour garantit le bonheur. L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est l’éventualité qu’ils arrivent. »
Sylvain Tesson, La crique (Une vie à coucher dehors)
Commentaires
L'avantage du bateau (et de bonnes cartes) c'est effectivement de venir jeter l'ancre en des sites parfois impossibles à atteindre par les terres. Et même si l'un ou l'autre sentier passe par là, de s'y retrouver en belle solitude provisoire depuis au moins le crépuscule jusqu'aux aubes hésitantes... Sans lumières ni sons artificiels.
Après les examens, j'emmenais ainsi une classe pour une semaine sur l'eau. Il ne me semble pas avoir assisté ailleurs à une telle intensité dans leurs lectures par des ados en vérité "prisonniers" du bateau, lui-même "prisonnier" des flots...
J'adhère à 100 % à ce que dit l'auteur ! Il m'arrive de tourner les talons en voyant arriver quelqu'un dans un lieu que je croyais désert, quelque chose est gâché.
@ JEA : J'ai peu d'expérience de la navigation, mais un beau souvenir de crique, lors de vacances en Grèce, lorsque le camping "sauvage" était encore permis et sans danger...
@ Aifelle : Je comprends très bien - un Alceste en chacun de nous ?