« Mais combien de temps l’homme peut-il passer à se rappeler le meilleur de l’enfance ? Et s’il profitait du meilleur de la vieillesse ? A moins que le meilleur de la vieillesse ne soit justement cette nostalgie du meilleur de l’enfance, de ce corps, jeune pousse de bambou, avec lequel chevaucher les vagues du plus loin qu’elles se formaient, les chevaucher bras pointés, telle une flèche dont la tige serait ce torse et ces jambes effilés, les chevaucher à s’en râper les côtes contre les galets pointus, les palourdes ébréchées, les débris de coquillages de la grève, pour ensuite se dresser, belliqueux, sur ses pieds, faire aussitôt volte-face, s’enfoncer flageolant jusqu’au genou dans le ressac, plonger et nager comme un fou vers les brisants renflés, jusqu’à l’Atlantique vert qui s’avançait à sa rencontre, roulait vers lui irrésistible comme cet avenir, réalité obstinée et, s’il avait de la chance, arriver à temps pour attraper la grosse vague suivante, et puis la suivante, et ainsi de suite, jusqu’à ce que la lumière rasante brasillant sur les vagues lui dise qu’il était temps de rentrer. »
Philip Roth, Un homme
Commentaires
J'aime beaucoup Philip Roth que j'avais découvert avec le fameux complexe de Portnoy. Mais ce livre ne me tente pas. Je le crois excellent mais je crains le cafard qu'il susciterait, à coup sûr.
Cet extrait me renvoie en revanche à mon enfance au bord de l'Atlantique.
Merci Tania
J'aime beaucoup Philip Roth que j'avais découvert avec le fameux complexe de Portnoy. Mais ce livre ne me tente pas. Je le crois excellent mais je crains le cafard qu'il susciterait, à coup sûr.
Cet extrait me renvoie en revanche à mon enfance au bord de l'Atlantique.
Merci Tania
Hier, il y a déjà longtemps, je surfais sur les vagues de l'Atlantique. Il n'y a pas longtemps, j'ai surfé sur les vagues du Pacifique. Mais le corps ne suivait plus; je me suis senti vieux. Pourtant, j'y croyais.
un grand merci de ton passage sur mon blog - le titre du tien est bien joli également
@ Zoë Lucider : "Portnoy...", je ne l'ai pas lu. Entre les pages sombres d'"Un homme", il y a des passages allègres comme celui-ci, plein de jeunesse.
@ Damien : Aïe, notre expérience à tous un jour ou l'autre, quand nos limites "bougent" avec l'âge. Merci de surfer ici.
« … se rappeler le meilleur de l’enfance … profiter du meilleur de la vieillesse … à moins que le meilleur de la vieillesse ne soit justement cette nostalgie du meilleur de l’enfance … » la suite est une sorte de métaphore de ce que l’auteur « distille » de ses souvenirs d’enfance … « un corps, jeune pousse de bambou » qui chevauche les vagues « jusqu’à l’Atlantique vert … » et puis, il y a le rappel qui est fait à l’enfant : « il est temps de rentrer » …
Un enfant n’est pas heureux de son enfance … Il rêve de grandir, de ne plus « obéir » … d’être libre … de « jouer » un métier … ou à papa et maman …
Je ne parle pas pour moi, parce que mon enfance avait des raisons d’être très malheureuse (foie malade, guerre, tuberculose, sanatorium, débilité …) mais je suis le confident de mes petits-enfants qui me racontent leurs petites misères, si grandes pourtant … qui ont tout pour être heureux, mais qui croient qu’ils ne le sont pas …
@ Doulidelle : Les rêves et les limites se confrontent à tout âge, tu as raison. Heureusement les "petites misères" de tes petits-enfants trouvent une oreille attentive.