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Bouddha en Corée

Si vous vous rendez au Palais des Beaux-Arts pour « Le sourire de Bouddha », exposition exceptionnelle consacrée aux seize cents ans d’art bouddhique en Corée, ne manquez pas de monter à l’étage : vous y verrez « Sacred Wood » de Bae Bien-U, qui photographie depuis 1981 les forêts de pins typiques de son pays. Le pin y symbolise la longévité et, pour le photographe coréen, l’arbre dans la forêt, comme l’homme parmi ses semblables, est à la fois pareil et unique. Ses grands paysages où
la lumière joue un rôle essentiel veulent restituer « l’essence du réel ». C’est superbe.

 

Mais commençons par le commencement, à savoir l’énorme Bouddha du VIIIe siècle, en granit, qui accueille les visiteurs en face du grand hall. Au pays du matin calme, le bouddhisme fut la seule invasion pacifique, au IVe siècle. Avant cela, les Coréens partageaient avec le peuple sibérien le culte de l’Ourse, la mère originelle. Dans la première salle d’un parcours chronologique, j’ai admiré un très fin petit Bouddha debout (Chine, VIe s.), plein de douceur. Il précède le trésor de tombes royales, dont une grande couronne et une ceinture en or massif sont les pièces maîtresses. Le motif de la couronne rappelle que l’arbre fait le lien entre les enfers et les cieux. Au mur,
une vidéo reconstitue virtuellement les anciens palais et anime de belles fresques consacrées aux activités quotidiennes : musique, danse, arts martiaux et chasse.

 

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Contemplative Bodhisattva, National Museum of Korea (Seoul)
(d'après Bozarmagazine, novembre 2008)

 

Des panneaux rappellent, entre autres caractéristiques de la représentation du Bouddha, la protubérance crânienne, les lobes d’oreilles étirés, les trois plis au cou.
Le geste de la main droite rassure, celui de la main gauche donne. Les bodhisattvas sont ceux qui se sont strictement engagés dans la voie de la foi. Parmi eux, Avalokitesvara, figure de la compassion, est considéré comme le sauveur des âmes sensibles. Il y a aussi des Bouddhas médecins, un bol à la main. Au bout de la première aile apparaissent des Bouddhas méditants, conjuguant élégance et spiritualité : jambe droite repliée, pied sur le genou gauche, doigts de la main droite contre la joue, voici la merveilleuse sculpture en bronze doré, Contemplative Bodhisattva, qui sert d’affiche à l’exposition, image gracieuse de la méditation.

 

On découvre ensuite l’art des pagodes : tuiles faîtières, pierres sculptées, urnes funéraires. Une première magnifique photographie de Bae Bien-U en noir et blanc montre dans un très grand format (135 x 260 cm) le site des tumuli funéraires abritant les tombes royales. Des vitrines exposent le contenu de reliquaires : petites statues de Bouddha, minuscules stupas votifs à base carrée. Cloches de bronze, encensoirs, coupes en céladon, toutes sortes d’objets rituels et usuels illustrent l’art bouddhique typiquement coréen. Puis de riches statues dorées : couvert de bijoux, un Avalokitesvara assis du XIVe siècle se déhanche, un coude sur le genou, décontracté. Il contraste avec un Vairocana en fonte du Xe siècle, assis traditionnellement en position du lotus, qui offre un extraordinaire sourire.

 

Dans les peintures bouddhiques plus tardives, le rouge et le vert dominent. Les figures couvrent la toile et saturent l’espace. En contraste, les peintures sur soie privilégient la finesse, comme sur ces rouleaux où sont calligraphiés des textes sacrés, et les nuances subtiles, par exemple pour le Bouddha « lune - eau » représenté devant des bambous, les yeux baissés vers un lac où la lune se reflète. L’exposition se termine sur des œuvres contemporaines de Park Dae-Sung, un autodidacte inspiré par les temples anciens. Mais avant de passer dans cette dernière salle, n’oubliez surtout pas de prendre à droite l’escalier qui mène aux forêts magiques de Bae Bien-U.

 

Quelle déception de ne trouver qu’une douzaine de cartes postales à la fin d’une si beau parcours ! Et dans cette série, aucun des plus beaux Bouddhas. Bien sûr, le catalogue reprend toutes les œuvres, mais les acheteurs du catalogue aimeraient aussi envoyer à leurs amis des reproductions des plus fameuses, d’une part, et ceux qui n’emportent pas le catalogue seraient heureux de repartir avec quelques cartes postales, d’autre part. Dommage. Espère-t-on qu’ils se consolent avec les fanfreluches du Bozarshop ? Les « Joyaux de la Nation » coréenne sont exposés jusqu’au 18 janvier 2009.

Commentaires

  • Chère Tania,

    Merci pour l'excellente description de l'exposition. Avez-vous regardé l'interview de Mathieu Ricard dans "Thé ou Café" hier matin, sur France2. Il est terriblement convaincant et d'une bonne humeur communicative. Son livre "L'art de la méditation" est, pour moi, un peu trop rationel.

  • Ce n'est qu'en regardant les photos, superbes et inquiétantes, de Bae Bien-U que j'ai compris pourquoi l'arbre est le lien entre l'enfer et le ciel. Brrrr, ça donne des frissons...moi je dirais plutôt qu'il est un lien entre le mystère angoissant et le ciel.
    À propos du nom, as-tu trouvé ce que signifie le U qui apparaît aussi dans le nom du romancier dont j'ai fait un post, Lee Seung-u? Moi pas.
    Un besito,

  • Sans le vouloir, tu me tends des perches que je ne manque pas de saisir, et peut-être suis-je trop enthousiaste ou trop personnel dans mes interventions ! C’est plus fort que moi … Je ne peux m’empêcher de manifester mes sentiments pour les partager, même s’ils me découvrent … mais « partager », c’est avant tout donner …

    Tu le sais bien, la Corée nous « colle aux tripes » depuis que nos filles qui en viennent ont apporté le « matin calme » de leur bonheur et la douceur de leurs longs yeux dans la composante de notre « nid ». J’aimerais tant faire « partager » cette richesse de l’ouverture aux autres races qui apporte tant de valeurs contradictoires à notre « arrogance » d’occidental repu.

    Aussi je te suis reconnaissant de « partager » ton magnifique talent d’enseignante et d’écrivain avec tes lecteurs et de parler avec tant de chaleur, de sensibilité et de profondeur des autres cultures …

    Nous irons nous recueillir devant ces expressions de «l’âme coréenne » et apprécier les manifestations de sa religiosité profonde.

  • Cher Doulidelle,
    Je ne vous connais pas mais il est évident que nous avons Tania "en commun" si j'ose dire. Je lis toujours vos commentaires avec plaisir. Ajouter un point de vue personnel, différent, aux écrits des autres me semble des plus intéressant et je m'étonne que vous vous en excusiez! Cette diversité dont vous parlez se reflète souvent bien plus à travers des témoignages personnels qu'au vu de statues, de tableaux...sinon imaginez la culture espagnole vue uniquement à travers Guernica ou Les Ménines, Botero ou Don Quijote.
    À bientôt donc?

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