Vivre, gagner le reste de notre âge.
Les images s’en vont comme vont les histoires
A dessiner nos gestes vides en notre absence.
Brûlés, les jours, les nuits, jouets de nos vingt ans,
Blessées,
Les veilles, les fiertés démesurées
De notre corps.
Espoir inconsistant, désespoir inutile,
Mourir, naître, la nuit ressuscite nos armes,
Vivre, folle innocence.
Branches des arbres en travers de nos visages horizontaux,
Passants, passantes de mes heures,
Sarments morts, routes inutiles,
Visages sans poids, sans présence,
Geste impossible.
Passantes de mes heures au regard immobile,
Un seul geste possible où rejoindre mon geste :
Gagner le reste de notre âge,
Vivre,
Folle innocence,
Equilibrer l’oubli, l’espoir, l’oubli, l’espoir.
Janine Couvreur (1934-1958), Feuille ou marbre, 1957
(Jeanine Moulin, Huit siècles de poésie féminine, Anthologie, Seghers, 1975.)