« Vous raconterez votre premier chagrin. » ‘Mon premier chagrin’ sera le titre de votre prochain devoir de français. » […]
– Tu n’as pas commencé par essayer, en scrutant parmi tes souvenirs…
– De retrouver un de mes chagrins ? Mais non, voyons, à quoi penses-tu ? Un vrai chagrin à moi ? vécu par moi pour de bon… et d’ailleurs, qu’est-ce que je pouvais appeler de ce nom ? Et quel avait été le premier ? Je n’avais aucune envie de me le demander… ce qu’il me fallait, c’était un chagrin qui serait hors de ma propre vie, que je pourrais considérer en m’en tenant à bonne distance… cela me donnerait une sensation que je ne pouvais pas nommer, mais je la ressens maintenant telle que je l’éprouvais… un sentiment… »
Nathalie Sarraute, Enfance
Commentaires
Elle a raison; pour considérer vraiment quelque chose, il faut du recul. et donc, que ce soit hors soi....
Bon week-end, ici très chaud (plein sud!)
Le tout est d'arriver à prendre du recul, parfois seul le temps y aide. Bon week-end, Anne. Un peu de fraîcheur ici ce matin, une fine pluie éphémère - la chaleur est annoncée pour le début de la semaine.
Un tel devoir m'aurait mise très mal à l'aise ... je n'aurais pas eu envie de dévoiler quoi que ce soit de mes chagrins.
C'est bien le problème. Adrienne a plusieurs fois soulevé cette question de la vérité ou de l'invention que tous les enfants ne maîtrisent pas avec la même facilité que Nathalie Sarraute.
P.-S. Je viens de mettre son billet en lien : https://adrienne414873722.wordpress.com/2021/05/25/u-comme-ultimes/#comments
Un livre très attachant.
Et quelle finesse dans l'approche des souvenirs intimes.
Moi aussi j'aurais bien du mal à me souvenir, d’abord, puis ensuite à en parler de mes, avec le temps on le voit, "petits chagrins" d’avant 11ans.
On dit que le grand âge "réveille" des souvenirs anciens... Un "premier" chagrin, c'est difficile à cerner, mais je me souviens assez bien de certaines pertes ou séparations qui m'ont marquée quand j'étais enfant.
Très très dangereux sujet ! Je me souviens comme si c'était hier d'une dissertation "L'amour d'une mère". La professeure nous a annoncé qu'elle avait renoncé à les noter parce que c'était trop mauvais. Qu'avait-elle donc lu ?
Mystère... Elle les avait tout de même annotées ? rendues ?
Merci pour le lien d'Adrienne. Je suis allée lire son billet et les commentaires., tous intéressants et propices à la réflexion. Bon dimanche, ensoleillé chez moi.
Oui, ce billet avait suscité une belle discussion. Bon dimanche, Aifelle. Ciel d'azur ici aussi.
Cet extrait dit bien le travail de questionnement sincère auquel se livre Sarraute, en conversation avec soi. Une intelligence.
Merci pour la référence à Marque-pages dans l'article précédent, je suis heureux d'avoir pu contribuer à cette relecture.
Enchantée de l'avoir redécouvert, merci à vous.
Je rejoins les précédents commentaires.
Un sujet "implosif".
Ecrire ? En parler ?
Vertige du questionnement.
Il suffit d'en parler avec une sœur ou un frère pour percevoir la part de rêve ou de réinterprétation dans nos souvenirs d'enfance. Vertigineux, en effet.