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Un dimanche de roman

Par un beau dimanche de Pentecôte, j’ai lu d’une traite Le dimanche des mères de Graham Swift (Mothering Sunday, A Romance, 2016, traduit de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Masek), le roman d’une journée très particulière dans la vie de Jane Fairchild. Il commence comme un conte par le mot « Autrefois ».

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Autrefois, « avant que les garçons ne passent de vie à trépas », était pour les Sheringham une époque de chevaux et de « domestiques de sexe masculin ». Paul, leur dernier fils en vie, raconte à Jane, la bonne des Niven, sa « Jay », tous les espoirs que ses parents fondaient alors sur Fandango, leur pur-sang. Mais à présent, il n’y a plus qu’elle à assurer le service à Beechwood, avec Milly, la cuisinière.

Ce dimanche 30 mars 1924, Jane regarde Paul « aller et venir à travers la chambre ensoleillée dans le plus simple appareil, à l’exception d’une chevalière en argent ». Ils sont nus, tous les deux, ils ont un peu plus de vingt ans. C’est la première fois qu’elle se trouve dans ce lit spacieux d’une personne, grâce à des circonstances très particulières : c’est le « dimanche des mères », le jour où on donne congé aux domestiques pour aller voir leur mère, et les riches parents de la fiancée de Paul ont invité les Sheringham et les Niven, leurs voisins et amis proches, à déjeuner au George Hotel, quinze jours avant le mariage.

« Une journée vraiment radieuse », lui a dit Mr Niven quand elle lui a apporté le café et les toasts, ravi de ce « jamboree à Henley »« Elle n’était pas trop sûre de ce que « jamboree » signifiait, mais elle avait l’impression d’avoir lu le mot quelque part, n’était-ce pas une sorte de fête ? » Orpheline, Jane avait l’intention de rester à Beechwood, de lire un livre au jardin, mais un coup de téléphone a changé ses plans – « une erreur », avait-elle prétendu, après avoir répondu « Oui, madame. »

Milly avait pris la « Première Bicyclette » pour aller voir sa mère, Jane, la deuxième, et moins d’une heure plus tard, suivant les instructions au téléphone, elle la posait pour la première fois près de la « porte de devant » à Upleigh House, comme « une authentique visiteuse ». Paul la lui ouvre, elle continue le jeu : « Merci, madame. » – « Tu es futée, Jay, tu sais. Vraiment futée. » Jane le sait. « Jamais elle ne renoncerait, fût-ce à quatre-vingt-dix ans, à sa courtoisie innée. »

A travers le récit de ce dimanche hors du commun, Graham Swift dessine dans ce roman « de mœurs » en quelque sorte, avec sensualité et précision, un très beau portrait de femme : celui d’une jeune femme observatrice, très déterminée, qui sait comment s’y prendre tout en restant à la place qui lui est désignée. Jane Fairchild est attentive aux mots, c’est une lectrice – les Niven étaient satisfaits d’embaucher une bonne qui savait lire et écrire et elle avait obtenu de Mr Niven le droit d’emprunter de quoi lire dans sa bibliothèque, même des livres « de garçons ».

Jane sait que Paul a l’intention de rejoindre sa fiancée pour déjeuner quelque part avec elle, mais à l’heure présente, elle ne l’interroge pas, elle l’observe, elle jouit de la situation inédite qui fait d’elle l’invitée d’une grande maison où elle peut disposer de tout ce qui s’offre à elle. Avec concision, l’écrivain britannique dilate le temps, ralentit le rythme, rappelle ou anticipe, et donne ainsi au Dimanche des mères une intensité qui se maintient sur un peu plus de cent pages, entre jouissance et pressentiment, pour le plus grand plaisir des lecteurs.

Commentaires

  • Un roman court mais plein, en effet. Bonne journée, Edmée.

  • Une jolie découverte pêchée à la bibliothèque.

  • Une découverte pour moi.
    J'aime bien quand le temps est suspendu……….Déjà, il l'est, quand on lit!

  • Pause garantie avec "Le dimanche des mères", Anne.

  • Je sens ta curiosité bien éveillée ;-).

  • un roman que j'ai lu un été et que j'ai beaucoup aimé, j'ai surtout aimé l'ambiance et le personnage principale ce fut un réel plaisir

  • J'ai cru que c'était chez toi que j'avais eu l'attention éveillée par ce roman, mais je n'ai pas trouvé ce titre sur ton blog - ce sera donc chez quelqu'un d'autre.

  • Ah, mais voilà où j'avais vu une belle présentation de ce livre ! Merci, Anne.
    https://desmotsetdesnotes.wordpress.com/2019/06/21/le-dimanche-des-meres/

  • La scène décrite me rappelle un film. Mais je n'arrive plus à mettre un titre ? Peut être "Le dimanche des mères" ? Mais je n'ai rien trouvé sur le net.

  • Je ne pense pas que ce roman ait été adapté au cinéma, mais il est très visuel, comme tu as pu t'en rendre compte.

  • C'est drôle ce titre alors qu'hier était la fête des mères . Votre description est intrigante. Est-ce que c'est en livre de poche?

  • En Belgique, la fête des mères a lieu le deuxième dimanche de mai, je ne sais pas trop comment la date est fixée en France.
    Ce roman est disponible en Folio, Zoë.

  • Tu me rappelles que je devrais aussi préparer des billets de suggestion pour ma prochaine visite à la bibliothèque.

  • Je l'ai sous le coude. Je vais le mettre un peu plus en évidence pour ne pas le perdre de vue.

  • Bonne lecture un jour ou l'autre.

  • J'avais noté mon envie de le lire, tu me la rappelles.
    j'ai adoré du même auteur "Le pays des eaux".
    Bonne journée, Tania.

  • Merci pour ce titre remarqué sur Wikipedia, je le note immédiatement. Bonne journée, Anne.

  • Je l'avais vu passer, oublié, et ton article m'encourage à le lire cet été. Merci Tania, je me réjouis de ces bons moments en perspective ! Bises et belle journée à toi !

  • L'été n'est plus très loin, même si les nuages sont de retour ici. Je te souhaite déjà bien du plaisir à le lire. Bonne journée.

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