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Rendez-vous manqué

Une femme sur un quai de métro se prépare à rejoindre un homme. Elle habite Paris, lui Nantes, ils ont convenu de se retrouver à l’Hôtel des Embruns où ils avaient leurs habitudes, même si leurs rencontres se sont fort espacées ces derniers temps. Il est photographe. Mais dans le métro, c’est le choc : elle assiste à un suicide et s’encourt, les crissements des freins et les sanglots du conducteur dans la tête.

 

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Ecoute la pluie (2013) est un récit d’errance, Michèle Lesbre y donne la parole à cette femme choquée qui raconte à celui qu’elle devait rejoindre, qui va l’attendre, comment elle s’est perdue dans la ville sous la pluie, telle une somnambule. Au hasard, elle entre dans une minuscule boutique « avec en vitrine une robe verte », l’essaie, l’achète, l’oublie plus tard sur un banc – égarée.

 

Rentrée chez elle, elle téléphone à l’hôtel, il n’y est pas encore. Les souvenirs affluent, de la dernière fois où ils y sont allés, d’une exposition où ils s’étaient revus, d’une nuit où ils ont dormi sur la plage. « Les voyages nous ont beaucoup portés, les retours nous ont perdus parfois. »

 

Nuit blanche. Un couple se dispute dans la rue, un orage gronde, elle attend le jour. « Il pleut, obstinément. » Songeant au manque d’enthousiasme de son ami amant quand elle lui a proposé de retourner aux Embruns, elle pense à ces manques souvent ressentis en sa présence – il n’y a jamais pris de photo, ni de l’hôtel ni de leur chambre ni de la plage, il se contente de sourire là où elle attend une réponse.

 

Elle lui a parlé de l’ancienne ferme de ses grands-parents, de l’amour « du silence et de la contemplation » hérité de son grand-père, par les mots elle voudrait lui dire cela très simplement. « Est-ce que je t’aime assez ? Est-ce que l’amour suffit ? » – « Tu évoques peu cette période de ta vie qui ne semble avoir commencé que le jour où ton oncle t’a offert ce premier appareil photo et où soudain tu ouvrais les yeux sur le monde qui t’entourait. »

 

Aller et venir dans Paris, dans le temps, rentrer, ressortir – une femme cherche un sens à ce qu’elle a vu, à ce qu’elle vit, à sa relation avec le photographe après ce rendez-vous manqué. Dans un entretien à propos de La petite trotteuse, la romancière disait déjà que « les lieux sont très porteurs. Ils peuvent être les personnages à part entière. » Ecoute la pluie, son dernier roman d’une centaine de pages, porte la petite musique en prose de Michèle Lesbre, intime et sensible.

Commentaires

  • Bonjour, Dominique. Les romans courts me laissent souvent sur ma faim, mais pas avec cette romancière. Bonne semaine, à bientôt.

  • J'apprécie les romans courts tout en atmosphère. Celui m'a été plus que conseillé, et le sensible sous les mots de ton billet me dit que je ne devrais plus tarder.

  • Aussi je t'en souhaite bonne découverte, et j'espère pouvoir lire tes impressions de lecture.

  • Faire la place dans un roman à la violence d'un mort vécue : déclencheur d'un retour à l'urgence de vivre autre chose qu'une relation fragile. Un beau thème de roman, pas trop long semble-t-il, énigmatique. Je regrette toutefois que l'auteur en dise un peu trop de l'histoire sur Youtube ?

  • La quatrième de couverture dévoile aussi le drame initial, mais cela n'ôte rien à l'intrigue profonde du récit, il me semble. A vous de voir.

  • Un beau livre emprunt d'une grande sensibilité. Je l'ai lu il y a peu mais n'ai pas eu le temps de le chroniquer... Bonne soirée !

  • Comme c'est curieux, j'arrive ici et je suis -sidérée-

    Il y a trois semaines environ, en faisant des courses, je suis redescendue dans le métro Louise, il était 13 heures, un jeudi, le métro arrive, j'avais calculé l'endroit où me tenir parce que je voulais changer à Arts-Loi et prendre la rame vers De Brouckère et -malgré la brume qui m'empêche de bien voir, j'ai très nettement vu quelqu'un qui s'agitait sur la voie, le métro a freiné brutalement, les personnes qui étaient là sont restées immobiles, en poussant un cri (moi comprise), puis je suis allée m'asseoir, les jambes coupées, et dans un état second, j'ai fini par sortir du métro (les secours commençaient à arriver), pour aller prendre le 71 porte de Namur (et parvenir à rentrer chez moi, impossible de rentrer à pied). Je commence enfin à prendre de la distance, mais cela a été très difficile, parce que c'est la première fois de ma vie que je voyais cela. je me demande si l'auteur du roman a vraiment assisté à une scène de ce genre ou l'a imaginée. Je vais aller la lire... J'ai écrit là-dessus dans mon blog aussi...

  • Oui, Michèle Lesbre a vécu cette scène, tout son récit en découle. Ton témoignage est impressionnant, j'irai lire ce que tu as écrit sur ton blog. Bonne journée, Pivoine.

  • J'ai tout de suite pensé, en lisant votre article sur ce livre au joli titre, de Michèle Lesbre, à Patrick Modiano, autre amoureux des lieux, des errances, des retours sur soi, des interrogations secrètes. Je note le titre. Cette pluie m'attire.

  • Bonne lecture, Armelle. Je ne me suis pas encore tournée vers Modiano, mais je compte bien aller à sa rencontre un jour ou l'autre.

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