« Ou bien c’est un quartier d’orange. Il crève entre mes dents et c’est bien un quartier d’orange – extraordinaire qu’on trouve des oranges ici –, c’est bien un quartier d’orange, j’ai le goût de l’orange dans la bouche, le jus se répand jusque sous ma langue, touche mon palais, mes gencives, coule dans ma gorge. C’est une orange un peu acide et merveilleusement fraîche. Ce goût d’orange et la sensation du frais qui coule me réveillent. Le réveil est affreux. Pourtant la seconde où la peau de l’orange cède entre mes dents est si délicieuse que je voudrais provoquer ce rêve-là. Je le poursuis, je le force. Mais c’est de nouveau la pâte de feuilles pourries en mortier qui pétrifie. Ma bouche est sèche. Pas amère. Lorsqu’on sent sa bouche amère, c’est qu’on n’a pas perdu le goût, c’est qu’on a encore de la salive dans la bouche. »
Commentaires
Ces souvenirs, ici si sensuels, qui aident à survivre...Merci.
Tout est si justement décrit, n'est-ce pas ? Bonne journée, Colo.
Je me souviens d'avoir découvert Charlotte Delbo grâce à un professeur de français de mon fils, alors au collège.
Je me souviens d'avoir partagé les écrits de Charlotte Delbo dans des discussions sur le devoir de mémoire face à des négationistes.
quelle belle découverte!quel amour de la vie,
je suis heureuse de la retrouver chez toi.
Quelle richesse dans ton blog. Il me faudra du temps pour découvrir.
J'ai longtemps attendu avant de la lire, et c'est ce qui m'a frappée chez Charlotte Delbo, cet amour de la vie malgré, contre l'horreur.