« Il était désormais établi que j’étais intime avec Mme Mitwisser. Par moments, un flot de paroles jaillissait d’elle comme un torrent de lave, des lambeaux de rage et de souvenirs, dans un galimatias d’allemand et d’anglais ; elle se plaignait d’être prisonnière dans cette maison, dans ce pays désolé – « dieses Land ohne Bildung » – et que seule Anneliese, dans sa témérité, dans sa folie, eût échappé à l’emprisonnement. Mais j’avais commencé à regarder à deux fois ces protestations – elles semblaient plus calculées que spontanées. Elles étaient (il y a longtemps que je le soupçonnais) des feintes et des essais. En réalité, elles étaient les lamentations de l’exil. Ce n’était pas le confort perdu, c’était la dignité perdue qui lui manquait. »
Cynthia Ozick, Un monde vacillant
Commentaires
Très belle phrase sur l'exil : pour moi l'une des choses les plus cruelles au monde !
Loin de ses assises, le monde vacille facilement. Et de savoir que l'on ne retournera plus vers les origines est certainement le plus ravageur, comme l'exprime bien cet extrait.
Bon dimanche Tania.
@ Annie : "Vous pouvez arracher l'homme du pays, mais ne pouvez pas arracher le pays du cœur de l'homme." (John Dos Passos)
@ Christw : Ne plus trouver sa place, ne plus se trouver à sa place... Bon dimanche, Christw.
J’imagine que dans le contexte du roman "perdre sa dignité" prend son sens, mais, malgré tous les bouleversements que suppose un exil, on n'y laisse pas forcément sa dignité...heureusement!
Agréable dimanche Tania, un beso.
Oui, que de bouleversements, quelle déchéance pour cette famille dans "Un monde vacillant" ! Exil subi ou choisi, c'est très différent, sans aucun doute. Passe une belle journée, Colo.
Merci Tania, je ne me référais pas aux exils choisis, qui sont en effet fort différents.
Tant d'exilés politiques ou "de la faim", partout...
Bon dimanche Tania.
@ Colo : Ah, dans ce sens-là, en effet.
@ Un petit Belge : Merci, belle journée pour la fête des pères.