« Je n’ai jamais su vivre sans disposer ainsi d’une passion qui délivre mon esprit de la tyrannie du présent. Ce fut un bref moment d’amour, quand je connus Macé. Le même sentiment nourrit ensuite mes désirs d’Orient. Puis vinrent ces collections de châteaux forts. Je ressentais cette sujétion comme une infirmité secrète mais nécessaire et surtout délicieuse qui m’aidait à aimer la vie. J’enviais mes compagnons. Jean de Villages savait se satisfaire de l’instant, il ne convoitait rien d’autre que des biens réels et présents. Guillaume, lui, ne jouissait pas des choses. Il vivait en paisible bourgeois. Son activité le tendait vers des abstractions, acheter, vendre, spéculer, importer, investir, mais elles le contentaient. Ni l’un ni l’autre ne comprenait ma passion. »
Jean-Christophe Rufin, Le grand Cœur
Château d’Ainay-le-Vieil (Photo Artur Miłożębksi)
Commentaires
Toujours plein d'articles intéressants, comme d'habitude! Bravo Tania pour tout ce travail et bonne semaine à toi!
J'aime beaucoup Jean Christophe Rufin que j'ai découvert récemment: justesse du regard, empathie, imagination. Je n'ai pas encore lu son dernier opus mais vous y invitez avec bonheur.
@ Un petit Belge : Merci de t'y intéresser, à bientôt & bonne semaine aussi.
@ Zoë Lucider : Destin étonnant. La fascination de Jacques Coeur pour l'Orient est l'âme de ce roman. Bonne lecture, Zoë, et très bonne journée!
Voilà un livre à se procurer, en effet, sur la vie de ce grand argentier que fut Jacques Coeur à une époque complexe. J'ai vu à ce propos une émission sur Bourges qui relatait une partie de sa vie et comme j'aime bien Rufin comme conteur, je note cet ouvrage dans la liste de mes prochaines acquisitions. Merci Tania.
Bonsoir, Armelle. Ce roman sera donc un excellent prolongement sur le sujet. L'époque de Jacques Coeur y est relatée de manière très vivante, vous verrez.
" Je n’ai jamais su vivre sans disposer ainsi d’une passion qui délivre mon esprit de la tyrannie du présent". je trouve cette phrase tellement juste et tellement d'actualité dans un monde où tout le monde court pour gagner deux minutes de course supplémentaire!
Je ne collectionne pas les châteaux mais les papillons dans ma tête , les fleurs , les senteurs , les couleurs ou les rêves , les images de mes enfants ou de toutes les personnes qui comptent. Mais tout cela ne se monnaye pas et ne peut se mettre sur des étagères. Qui peut les "convoiter" ?
Cher Gérard, j'aime votre façon d'aller à l'essentiel. Tout ce qui compte vraiment ne se monnaye pas, en effet (pourvu qu'on ait le nécessaire).
J'ai d'abord pensé limiter la citation à la belle phrase que vous reprenez. Puis j'ai ajouté la suite pour l'éclairage qu'elle donne du personnage (en même temps que la mesure de sa fortune !)