« Un soir de juillet descendait sur Baden-Baden, ville d’eaux allemande ; au loin sur la Forêt-Noire ou la forêt de Thuringe des nuages violets s’amoncelaient, des éclairs de chaleur zébraient l’horizon ; plus près de la ville, sur les hauteurs environnantes, on apercevait le Château-Vieux et le Château-Neuf aux murs de briques rouges avec leurs tours crénelées ; d’ici quelques jours, nous allons retrouver Anna dans l’escalier de pierre d’un des châteaux, fuyant Fédia, capable après une perte au jeu de lui soutirer leurs derniers sous ; elle grimpe les marches avec légèreté comme si Sonia ou Micha n’étaient pas là, sous son cœur, mais arrivée au second palier elle a soudain un étourdissement, mal au ventre, des nausées, elle doit s’asseoir sur un banc, au vu de tous les promeneurs qui la regardent parce qu’elle est au bord de l’évanouissement ; quand Fédia la retrouve, il tombe encore une fois à genoux devant elle, en public ; elle se cache le visage dans les mains pour échapper aux regards et parce qu’elle est sur le point de vomir ; il se frappe la poitrine en disant qu’il la rend malheureuse, mais ce n’est plus aussi terrifiant qu’avant, elle s’est habituée ; elle lui donne l’argent en sachant qu’il va le perdre au jeu. »
Leonid Tsypkin, Un été à Baden-Baden
Commentaires
Scène terrible, mais peut-être assez courante à cette époque et dans ce milieu.
@ Aifelle : Le quotidien des Dostoïevski à cette époque où ils tirent le diable par la queue est plein de tensions diverses. Tsypkin traite les personnages avec une telle empathie qu'il fait ressentir toutes les émotions qui les traversent, comme des secousses parfois.
Le jeu...perdition de tant et tant, partout et toujours, hélas!
"elle s'est habituée", terrible mais nécessaire habitude...?
@ Colo : Sans doute nécessaire, mais cela reste terrible. Bonsoir, Colo.