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Mémoires d'Elseneur

Florilège d’automne / Incipit

 

 

Je veux le dire en commençant : j’ai vécu plusieurs vies ; autant qu’il fut en moi de personnes. Et la dernière, pas plus que les autres, je ne l’achèverai. Je suis mort plusieurs fois, et ressuscité. Mourrai-je tout à fait après ma dernière aventure, cet hiver où je suis, saison de sable, de neige et de bois mort ?

 

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Ma première naissance eut lieu entre les quatre murs d’une chambre bourgeoise. Deux fenêtres recueillaient le jour et la nuit d’une rue étroite et populaire. On devait faire effort pour apercevoir le ciel ; plus facile de compter les pierres du pavé que les étoiles. Chose vraisemblable, dira-t-on ; jamais par les claires nuits d’été un homme, fût-il berger d’Arcadie, n’est parvenu à compter les astres piqués au tableau noir. L’idée en est-elle venue à quelqu’un ? Un jour que je m’étais mis en tête de le faire, j’exécutai en me penchant à la fenêtre pour regarder en haut une pirouette si singulière, qu’il en résulta une entorse des muscles du cou ; c’est tout ce que je retirai de ce mouvement généreux et je renonçai pour jamais à faire le compte des astres. J’ai conçu bien d’autres projets du même ordre, pour aboutir au même résultat.

 

Ma mère n’eut pas de mal à me mettre au monde, bien que ma tête fût grosse et pesât lourd. Une de ces têtes comme on en voit à certains animaux à leur naissance. Son premier mouvement, en apercevant le résultat de neuf mois de pesanteur, fut d’épouvante.

 

Franz Hellens, Mémoires d’Elseneur, Albin Michel, Paris, 1954.

Commentaires

  • Franz Hellens !! voilà un oublié des lettres qui mérite d'être ressuscité cent fois... il a une écriture simple, directe et son imaginaire est puissant. Merci de l'évoquer ici sur le web, il nous voit et est ravi ;-))

  • Ah, pour moi ce sera une nouvelle naissance, je n'ai jamais rien lu de Mr Franz Hellens. Un "imaginaire puissant" dit Claire et ton extrait...je pars à la recherche.
    J'imagine que tu rentreras bientôt, alors je voulais te remercier pour ce florilège belge, varié et si joliment présenté.

  • Comme Colo c'est pour moi un nom inconnu, en lisant ce texte je pense à André Dhôtel qui aime aussi l'imaginaire
    Une belle illustration

  • Encore un flamand qui enrichit nos lettres … qui a vécu longtemps en Flandre, à Bruxelles, à Paris et à la côte d’azur, s’imprégnant jusqu’à la moelle de ces différentes cultures.

    J’ai recherché - en vain au grenier - un ouvrage que j’avais lu de lui quand j’avais une vingtaine d’année (c’est loin … en 1949) dans une collection de poche publiant des auteurs belges (me semble-t-il). Son écriture « très surréaliste » correspond à mon besoin de « fantastique » dans l’imaginaire.

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