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l'oeil

  • Une fois par an

    C’est à l’entrée d’un passage. Les Galeries Royales Saint Hubert, il me semble. Sous les arcades, je croise une vieille dame qui en sort, la figure extatique. Tandis que je la suis du regard, quelqu’un que je n’ai pas entendu venir me presse légèrement le bras, chuchote : « Les Audelottes, elles sont là, oui. » Et comme je ne comprends pas, d’un geste vers la voûte, cette femme sans âge me fait découvrir un étrange ballet de plumes. De grands oiseaux beiges se posent aux chapiteaux des pilastres, vont et viennent.

    « Une fois par an, elles viennent nous visiter. C’est aujourd’hui. N’ayez pas peur. » J’observe alors l’incroyable. Du haut des parois, les oiseaux se laissent glisser dans l’air, ralentissent, restent suspendus face aux personnes qui se sont arrêtées, puis remontent. Une femme, sur le côté, a posé un grand foulard dans les tons ocre sur ses cheveux et ses épaules. Elle les attend, les bras en croix, les yeux ouverts. Les audelottes ignorent les passants, visitent les immobiles. Leurs battements d’ailes et le bruit des pas troublent seuls le silence.

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    Je m’arrête. J’attends, les yeux fermés, une improbable rencontre. J’ai peur. Un frôlement, une présence. Je retiens mon souffle. Mais une telle visite doit être honorée, j’ouvre les yeux. Juste en face, deux prunelles mordorées, immenses, me dévisagent intensément. Les yeux écarquillés, d’un battement de paupières, je souris. Souple, légère, royale, déployant son châle ocellé de roux et d’or, l’audelotte s’envole.

    Je ne sais plus ce qui se passe ensuite. J’éprouve un bonheur indicible. Je sais que j’ai rêvé.