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Charleroi

  • Des photos au musée

    L’extension récente du Musée de la Photographie à Charleroi était un bon prétexte pour enfin découvrir ses collections. Cela vaut le déplacement. Au carrefour d’une avenue fort passante, derrière un bosquet de bouleaux, seules les briques rouges de la façade ancienne apparaissent dans une pluie d’orage, et une grande photo sur un pignon latéral.

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    Première exposition, « l’abécédaire » noir et blanc d’Hugues de Wurstemberger : « De marques en mesures, de voyages en absences est venu le désir d’en faire un recueil, sorte d’abécédaire : l’arbre, le chat, le soleil et la mouche », peut-on lire près d’une photo de Pauline et Brigitte. Des instantanés évoquent la vie tranquille : deux pieds qui vont se poser sur l’eau, une racine sur une dalle abandonnée dans l’herbe, des chiens au bout de leur chaîne, des enfants, leur grand-mère. Moins familières, ses images ramenées d’Afrique, notamment du Sahara occidental. Sur la photo de quatre pilotes marocains capturés (dixit la légende), on les voit en train d’écrire à leur famille. Fragments de têtes, bras, mains, cigarettes, briquets, et les feuilles de papier noircies d’écritures diverses. Nous sommes en vie, écrivent-ils peut-être (c’est ce à quoi j’ai pensé).

    Par la galerie du cloître, qui a perdu son carrelage mais gardé les boiseries de sa voûte et, près d’une fenêtre, de beaux éviers creusés dans la pierre noire, on arrive aux collections du XIXe siècle. Les vitrines conservent de vieux appareils et instruments, des albums, des portraits richement encadrés, un livre de Darwin, L’expression des émotions chez l’homme et les animaux (1877), illustré de visages aux mimiques variées. Plus loin, un magnifique visage de fillette au regard plein de défi : The Anniversary, de Julia Margaret Cameron ; des portraits de jeunes femmes silencieuses en longues robes, d’allure préraphaélite, qui font penser aussi aux toiles de Fernand Khnopff, comme les Etudes de jeunes filles de Gustave Marissiaux.

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    Une porte ouvre sur la nouvelle aile du musée, où les baies vitrées révèlent l’architecture contemporaine. Cap sur les XXe et XXIe siècles. Après la palette de gris qu’on appelle le noir et blanc, le monde retrouve ses couleurs. Un ballet de nuages au-dessus d’une route dans l’Arizona, de Stephen Share. Au centre d’un magnifique halo obscur, Lisa Kereszi a saisi une danseuse en rouge sur une scène : elle bouge dans la lumière du projecteur, et son ombre immense sur le mur du fond. Une grande vue de Séoul par Stéphane Couturier est rythmée par les perpendiculaires de grandes poutres métalliques. Une Haie de Manfred Jade nous fait plonger dans le feuillage, un rectangle saturé de verdure. Passer d’un univers à l’autre, sans transition, désarçonne un peu.

    A-t-on suivi ou perdu le sens du parcours ? Voici la section des photographes les plus connus et des moments historiques : visages du Ché, Mort de Martin Luther King, Mai 68, Prague, la jeune fille à la fleur face aux fusils manifestant contre la guerre au Vietnam (Marc Riboud), des portraits saisissants de Diane Arbus. Somptueuse neige de pétales sur une jeune fille et sur le sol sous un cerisier japonais, par Edouard Boubat. Que donnerait cette scène en couleurs - au lieu de tout ce blanc, du rose ? Pourquoi la perception en noir et blanc diffère-t-elle à ce point de la vision en couleurs ? Pourquoi les photographes contemporains se passent-ils encore souvent de ces dernières ? Est-ce pour les effets de lumière, les contrastes, ou pour effectuer leurs propres tirages ?

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    Plein de questions passionnantes accompagnent cette première visite au Musée de la Photographie où l’on se promet de retourner, pour mieux voir. Avant la sortie, encore un coup d’œil à l’exposition de Dave Anderson, Rough beauty, avec un puissant portrait de Ray Wilson. Sur les murs, des maximes : « Rester ici et faire avec », « Le monde n’a pas été fait pour nous devoir quelque chose. Il a été fait pour qu’on y fasse quelque chose. » J’ai souri à la rencontre d’un chat noir et d’un chat blanc.