Certains d’entre vous continueront à lire de grands livres, d’autres cesseront de lire de grands livres une fois leur diplôme obtenu ; et si quelqu’un pense qu’il n’arrivera jamais à éprouver de véritable plaisir à la lecture des grands écrivains, alors ce quelqu’un ne doit pas les lire du tout. Après tout, on peut rencontrer la même jubilation dans d’autres domaines ; la jubilation de la science pure est tout aussi agréable que le plaisir de l’art pur. L’essentiel est de faire l’expérience de ce petit frisson dans quelque région de la pensée ou de l’émotion. On court le risque de rater ce qu’il y a de meilleur dans la vie si l’on ne sait pas trouver l’occasion de vibrer, si l’on n’apprend pas à se hisser un peu au-dessus de là où l’on se situe ordinairement, afin de goûter les fruits les plus beaux et les plus rares que peut nous offrir la pensée humaine.
Vladimir Nabokov, L’Envoi (Littératures I)
Jean Brusselmans, La lectrice, 1914