En traversant le pont Mistral sur la Drôme, nous ne savions pas encore qu’il nous faudrait revenir sur nos pas pour visiter « Le Cubisme dans la Drôme », la belle exposition du Centre d’Art de Crest qui vient de se terminer. On y rappelait la formule de Cézanne : « Il faut traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône ».
Albert Gleizes (1881-1953), André Lhote (1885-1962) et Vanber (signature d’Albert Voisin, 1905-1994) sont les trois artistes phares d’un parcours qui montre « l’influence du mouvement cubiste sur les plus grands artistes de la région ». Martial Duvert, commissaire de l’exposition et antiquaire, retrace leurs itinéraires artistiques et aussi leur influence locale.
Composition cubiste attribuée à Albert Gleizes, annotée au dos AG 31. Collection particulière.
(Mise à jour 9/10/2019)
Il fallait se concentrer pour apprécier les œuvres – des écoliers d’abord assez sages s’amusant un peu trop ensuite à se poursuivre de salle en salle. De Gleizes, un des fondateurs du mouvement Abstraction-Création, j’ai aimé ce portrait cubiste dont je n’ai pas noté le titre (pas de catalogue, dommage). De nombreuses peintures provenaient de collections particulières.
© Guy Marandet, Campagne au printemps. Huile sur toile (collection particulière)
Avant celles d’André Lhote, deux grandes huiles sur toile de Guy Marandet (1917–2011) attiraient le regard par leurs couleurs vives entre les fenêtres : Campagne au printemps et Noblesse de la vallée du Rhône. Elève et ami d’André Lhote, grâce à qui il a découvert Mirmande où il a fini par s’installer, il est très influencé, dans ces paysages stylisés, par la peinture de Jacques Villon.
© André Lhote, Vue de Crest. Huile sur toile (collection particulière)
Cette jolie Vue de Crest signée Lhote exprime son attachement aux paysages locaux dont il vantait la beauté à ses élèves. Le cadre met cette toile particulièrement en valeur avec sa bordure qui fait penser à la génoise des toits provençaux. L’entrée du parc est un prêt du musée de Valence, partenaire de cette exposition.
Le nom de Vanber m’était inconnu, c’est une œuvre de lui qui figure à l’affiche de l’exposition. On aimerait comparer les dates du Corsage rouge, une grande huile où le rouge s’empare de toute la toile, jusqu’aux cheveux des personnages féminins, et de La sieste à Saint-Thomé (Ardèche), toute en volutes colorées. Comment ne pas penser à la petite chatte laissée à Bruxelles en regardant Le chat devant la cheminée ? Vanber s’est aussi impliqué dans la défense des quartiers anciens de Crest, dont on reconnaît bien la célèbre Tour sur certaines vues montrées ici.
© Vanber, Le Chat devant la cheminée, détail. Huile sur toile (collection particulière)
« Le cubisme dans la Drôme » présentait autour de ces trois peintres des noms moins connus, comme ceux de Dimitri Varbanesco (1908-1963), d’origine roumaine, avec Plante grasse dans l’atelier ; de Madeleine Thery, peintre, céramiste et graveuse (épouse de Vanber) avec un Nu à l’horloge tout en puissance ; d’Alejandro Obregón (1920-1992), colombiano-espagnol, avec Fleur dans un vase.
© Dimitri Varbanesco, Plante grasse dans l’atelier. Huile sur papier marouflé sur isorel.
Collection du Musée de Valence.
De nombreuses céramiques étaient exposées dans des vitrines, signées entre autres Anne Dangar, qui a travaillé avec Gleizes. Le musée de Valence lui a consacré une exposition en 2016-2017. Si je ne me trompe, ce beau plat ovale au décor cubiste est de Dominique Baudart.
© Dominique Baudart, Céramique au décor cubiste
A la sortie de l’exposition, qui valait à elle seule le détour, l’espace de la Galerie Duvert, juste en face, offre de quoi s’émerveiller. On y trouve des livres d’art, des meubles anciens, d’autres œuvres de ces peintres cubistes, des artistes contemporains – un bel ensemble. Je me serais volontiers attardée davantage, la conversation avec le galeriste à propos de Willy Eisenschitz, un peintre juif qui s’était caché à Dieulefit durant la seconde guerre mondiale, donnant un aperçu très intéressant de la Résistance dans la région.
Vue partielle de la Galerie Duvert
Une adresse à recommander avant de quitter Crest ? La pâtisserie du Donjon : nous nous y sommes régalés de glaces artisanales, tout en admirant les tartes de saison.
Commentaires
j'ai un peu de mal avec le cubisme ;-)
C'est un royaume de formes et de couleurs, l'expo montrait bien toutes sortes de variations inspirées par les paysages surtout.
Très complète cette expo! je vois que tu y a même déniché un chat:-))
C'est en étudiant de près les œuvres de Juan Gris et Maria Blanchard que j'ai appris à aimer, même beaucoup, le cubisme.
Alors ici, coup de cœur pour la Plante grasse dans l'atelier et la céramique qui suit. Tu as dû passer un bien beau moment!
Il y en avait même plusieurs ;-). Ravie que tu aimes aussi cette toile de Varbanesco, d'abord surréaliste, puis cubiste. D'autres peintures lumineuses sur http://www.artnet.fr/artistes/dimitri-varbanesco/
Belle exposition, très intéressante. L'artiste le plus connu pour moi est André Lhote, qui né à Bordeaux a eu déjà droit à des expositions ici.
J'aime beaucoup les tons utilisés dans les tableaux choisis et surtout le tableau de Marandet et le chat de Vanber, tout en rondeurs.
Merci.
Je ne montre que peu de chose de cette exposition très variée, merci pour ta réaction.
Je dis souvent comme Adrienne à propos du cubisme mais quand je vois une exposition, il est rare que je ne trouve pas une oeuvre que j'aime ! Tu nous fais faire une belle visite !
C'est si gai de la revisiter en faisant des recherches sur la Toile et de partager ses impressions. Comme toi, je suis contente quand le contact s'établit avec ne fût-ce qu'une oeuvre dans une exposition - on l'emporte en soi.
Les couleurs sont magnifiques ! Je suis surtout contente de voir les céramiques de Baudart que je ne connaissais pas et que je découvre avec émerveillement !
Tu auras vu sur le site en lien un beau plat rond de la même période que ce plat ovale, avec cruche et raisin. Bonne journée, Maggie.
Je reste assez hermétique au cubisme, sauf pour quelques tableaux aux couleurs vives. C'est un mouvement que je ne comprends pas, peut-être parce que je ne me suis pas assez penchée dessus.
Les cubistes abandonnent la figuration réaliste pour assembler des fragments qui multiplient les points de vue, une peinture à facettes en quelque sorte. Cela permet d'inventer davantage, de jouer avec les formes et les couleurs.
Il me semble que, dès que l'on accepte de ne plus "voir" le sujet, on peut entrer dans la danse, se promener dans le tableau… Je le ressens ainsi (sans forcément m'accrocher à tout).
Quelle belle exposition ! As-tu remarqué que toutes les toiles sont un peu dans les mêmes tons ? Quant au petit coup d'oeil sur la galerie, il est plus qu'une invitation !
Les toiles que j'ai sélectionnées ici, oui, je m'en rends compte… Mais il y en avait de toutes les couleurs, dans des tons plus froids, plus foncés.
La plupart de ces artistes ne sont pas aussi connus en Amérique du Nord qu’ils le devraient. J'aime la céramique de Dominque Baudart. Je ne l'ai pas vue travailler avant maintenant.
A part Gleizes et Lhote, ces peintres ne m'étaient pas connus. Il y avait un beau choix de céramiques à l'exposition. La fiche de salle indiquait que "Dominique Baudart s’est installé à Vallauris en 1952. Il a travaillé pour Jean Rivier, avant de fonder l’atelier du Vieux Moulin. Dans les années 1970, il s’installe dans la Drôme, à Die, où il poursuivra son travail jusqu’à sa mort en 2007."
une de mes filles vit à Valence et l'expo lui a beaucoup plu
des peintres que je connais très mal hélas
Ce Centre d'Art de Crest est très récent (2018), une telle expo donne envie d'en suivre le programme.
Un drame, mon commentaire n'a pas voulu partir... Bref, je disais que le cubisme n'est pas fait pour mon tempérament rond et tout en courbes... Je n'y arrive pas :)
Un drame, mon commentaire n'a pas voulu partir... Bref, je disais que le cubisme n'est pas fait pour mon tempérament rond et tout en courbes... Je n'y arrive pas :)
Hélàs le cubisme n'est pas fait pour mon tempérament à courbes :) Je ne sens pas la connexion, et ne suis pas trop sensible à l'harmonie des teintes dans toutes ces lignes droites...
Désolée pour les doublons, Edmée. Parfois le commentaire met du temps à passer. En art comme en littérature, on n'est pas forcément sensible à tout,
J'avoue mal connaitre cette période et ces artistes à part André Lhote, les couleurs employées sont chaleureuses et la recherche de la lumière m'enchante tout à fait.
Ce fut un bon moment pour vous et la petite pâtisserie à la sortie, un vrai cadeau ! Mina était de la fête, un petit clin d'oeil céleste. Merci Tania, à bientôt. brigitte
Te voilà rentrée ! Oui, c'était une exposition loin des noms connus mais très riche et intéressante. Je vais faire un saut chez toi tout de suite. Bon dimanche, Brigitte.