« Toute la nuit, Aravni reste au chevet de sa mère. Quand son corps commence à refroidir, elle se blottit contre elle, comme une petite fille. Au matin, Méliné la relève doucement et la prend dans ses bras.
– Si j’étais morte à la place de Maral, maman serait restée en vie, murmure Aravni, fixant l’aube violette qui s’étire à l’horizon.
– Je t’interdis de dire ça. Ta mère est morte d’épuisement et de chagrin. Les vivants ne doivent pas se reprocher d’être vivants. Sinon les Turcs nous auront tout pris. La vie et la raison. Le convoi est plein de femmes à moitié folles. Ecoute-moi bien, Aravni, nous allons rester en vie et rester fortes.
Elle ajoute, par pure superstition :
– Si Dieu le veut. Et elle crache en l’air.
Pour que le mauvais œil comprenne à qui il a affaire. »
Valérie Toranian, L’étrangère
Commentaires
chaque fois que je vois 'si Dieu le veut', en quelque langue que ce soit, je pense à ma grand-mère Adrienne, elle ne manquait pas d'ajouter un 'als het God belieft' chaque fois qu'un projet était formulé, même le plus banal ;-)
bon week-end, Tania!
La traversée de la souffrance d'une population martyrisée par la violence, une violence toujours d'actualité. Aujourd'hui les chrétiens d'Orient, les Kurdes et autres minorités subissent le même sort. L'homme est un prédateur pour l'homme. Hélas !
Très bel extrait. La scène est forte.
@ Adrienne : Et elle le disait sans cracher, j'imagine ;-) Bon week-end; Adrienne, le soleil est de la partie cet après-midi.
@ Armelle : Hélas ! Le sort tragique de ces minorités persécutées en Orient fait honte aux dirigeants de ces pays, et aussi aux instances internationales qui n'y réagissent pas assez.
@ Aifelle : Merci, Aifelle, j'ai choisi ce passage pour l'exemple particulièrement significatif qu'il donne de la résistance de ces femmes.
Le passage est bien choisi, mêlant l'intime au sort des minorités. Malgré l'émotion et le désespoir des "femmes à moitié folles", une détermination salvatrice et impérative prend le dessus.
Merci, Christw. Impossible de ne pas penser à celles et ceux qui sont pris dans cette violence meurtrière aujourd'hui, comme dans le chaos syrien.