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Incompréhensible

« Il semble incroyable, incompréhensible que des enfants meurent avant les adultes. C’est un défi à la biologie, ça contredit l’histoire, ça nie toute relation de cause à effet, c’est même une violation de la physique élémentaire. C’est le paradoxe absolu. Une communauté qui perd ses enfants perd son esprit. »

Russell Banks, De beaux lendemains

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Commentaires

  • Je viens juste de connaitre votre blog grâce à celui d'Euterpe et j'ai remarqué aussi que vous avez consacré 2 billets à la mort d'un enfant.

    Pour avoir moi aussi connu un tel drame , sans essayer de me mettre en avant ou pour prouver que je suis superman (ce n'est pas ma "nature") , je peux vous dire en 2 mots comment on peut résister à ce tsunami psychologique .

    -J'ai perdu ( je n'ai pas trouvé terme plus adapté) ma fille elle avait 32 ans ( suicide) .
    Lorsque je l'ai appris,j'ai perdu connaissance , amnésique d'un jour , le corps dans son entier ayant refusé d'en supporter plus ou alors mise en mort artificielle pour l'accompagner ?? Je ne saurai jamais !

    -Tout de suite arrive la culpabilité , alors que l'ordre des choses voudrait que les parents protègent les enfants , on a cruellement failli , on est des incapables , des égoïstes , des .... que sais-je encore . Mais toute la douleur se transforme en immense colère et en violence contre soi . On pense alors à en finir , à se punir ...!

    -Qu'est-ce qui nous retient de ne pas le faire ? L'entourage certainement , l'épouse , les autres enfants ( quand on a la chance d'en avoir) , un évènement "heureux" , une naissance chez un proche , etc...
    -On s'accroche tant bien que mal au moindre brin d'herbe pour ne pas couler , pour recommencer à espérer car l'instinct de survie est tel que nager même maladroitement devient un mouvement "naturel"

    -Puis on consulte pour comprendre , pour se rassurer , mais au début ça fait souvent l'inverse et on retombe , on se laisse aller , on n'espère plus rien de la vie . On n'a plus confiance en soi donc dans les autres non plus . On devient "fou" et autiste .

    -La mort d'un enfant nous ramène à notre propre enfance . Si on a eu le bonheur , comme moi , d'avoir été heureux et comblé par une mère aimante , on refait le chemin qui nous a conduit jusque là , aujourd'hui , et on se dit que votre mère qui n'est plus là , comment aurait-elle réagi ?
    -C'est alors que vous réalisez qu'elle aussi a connu 2 fois le même drame ( j'ai en effet "perdu" aussi mes 2 soeurs - 32 et 40 ans - par maladie et elle a "perdu" ses 2 filles !! )
    -J'ai souvent lu dans ses yeux ce que l'on doit voir aujourd'hui dans les miens , cette immense tristesse , ce vide sidéral, ce trou béant que vous avez du mal à dissimuler lorsque vous vous réveillez le matin .
    -Alors j'ai fait comme elle ,inconsciemment sans doute au début , puis de plus en plus délibérément . Elle me disait toujours "quand on n'a plus on donne" . Je comprends maintenant ce qu'elle voulait dire .

    Elle était à l'écoute de tous les malheurs de ses voisines ,elle leur rendait service , elle comblait sa vie et elle déversait son surplus d'amour sur ceux et celles qui l'entouraient . Elle vivait pour la mémoire de ses filles , elle concrétisait ce qu'elles auraient voulu être .
    Elle a ainsi vécu tant bien que mal ( plutôt bien) , elle était un phare pour beaucoup qui s'est malheureusement éteint .
    J'essaie à ma manière de continuer à entretenir toutes ces flammes jusqu'au bout et de faire revivre à ma manière ces chères disparues .Mais il faut reconnaître que c'est épuisant !

    GC

  • @ Gérard : Votre témoignage, Gérard, me laisse sans voix. Que dire après cela qui ne soit pas vain ? Merci de partager la mémoire de ces absentes si présentes ici.
    Ce que vous écrivez de votre mère est magnifique - "un phare" dont vous entretenez la flamme et une sagesse que vous transmettez à votre tour ("quand on n'a plus on donne"). Bon courage pour cette vie à reconstruire chaque matin.

  • Tania , Il n'y a pas de vaines paroles . On ne peut reprocher à quiconque de ne pas avoir connu un tel drame pour comprendre . Le mérite c'est d'essayer , ce que vous faites très bien !

    Devant notre chagrin beaucoup de personnes sincères croient bon de nous dire que le temps effacera la douleur .
    Personnellement c'est le contraire car il la transforme en un mal moins violent certes mais lancinant et quotidien .
    Et la douleur aiguë , profonde ne demande qu'à se réveiller au moindre évènement ( anniversaire , naissance , décès) ou tout simplement à cause d'un mot , d'une photo , d'une odeur , d'une chanson et même du rire d'un autre enfant .

    Si l'on voulait donner une échelle de la souffrance des parents ( ce qui est débile j'en conviens car chaque douleur est différente ),je pense qu'il faudrait l'attribuer à ceux dont l'enfant a disparu sans laisser de traces . J'en connais dont la vie est devenue tout à coup un cauchemar éveillé car ils épient chaque fait , chaque indice , chaque signe . Chaque coup de fil leur donne des sueurs froides , chaque fausse piste la nausée . Leur vie ne tient plus qu'à un coup de fil ,leur obsession tourne vite à la folie car ils ne comprennent pas , ils n'ont pas de lieu à conceptualiser , ils ne peuvent pas connaître le repos ou un semblant de paix .

    Je trouve la citation de Russel Banks belle et juste en partie mais un peu désespérante . Une disparition si injuste et si brutale vous remet immédiatement à votre place , celle d'un mortel qui ne s'ignore plus mais dont les valeurs ne sont plus celles qui font le quotidien des hommes . Ce qui était prioritaire auparavant devient soudainement beaucoup plus futile et réciproquement . Est-ce perdre son esprit que de redéfinir ses priorités et ses valeurs ? je ne le crois pas , bien au contraire .

  • @ Nymphette : Merci de l'écrire. En balade sur "Critiques futiles", j'ai vu que Russell Banks y est à l'honneur, et toute la littérature américaine. A suivre.

    @ Gérard : Vous répondez à une question que je me posais - l'écho d'une telle phrase, de romans ou de films tragiques. Personnellement, quand je ne suis pas assez bien, je ne suis pas disponible pour de tels sujets, je les fuis, je me ressource ailleurs. Les grandes épreuves bouleversent nos priorités, nos valeurs, jusqu'aux relations que nous nouons avec les autres, vous le dites très justement. Bonne journée, Gérard.

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