« Harry voulait simplement qu’Howard se rassoie, qu’ils puissent recommencer. Il restait quatre heures de programmes de qualité avant d’aller se coucher – des émissions sur les antiquités, l’immobilier, les voyages, des jeux – qu’il se serait fait une joie de partager avec son fils en bonne camaraderie, avec un commentaire de temps à autre sur les dents proéminentes de tel présentateur, les petites mains ou la sexualité de tel autre. Et ce serait une façon de dire : ça fait plaisir de te voir. Ca fait trop longtemps. Nous sommes de la même famille. Mais Howard ne pouvait pas le faire quand il avait seize ans et ne le pouvait toujours pas à présent. Il ne croyait tout simplement pas, à l’encontre de son père, que l’amour se mesure en temps passé ensemble. Et donc, pour éviter une conversation sur une actrice australienne de télé, Howard alla dans la cuisine laver sa tasse et les deux ou trois autres choses dans l’évier. Dix minutes plus tard, il partait. »
Zadie Smith, De la beauté (traduit de l’anglais par Philippe Aronson)
Commentaires
très bel extrait
De non-dit en non-dit, on pourrait finir par étiqueter le temps comme maudit.
Drame du père qui a la pudeur de ses sentiments … qui cherche à établir une « complicité conviviale » avec son fils … qui lui reste indifférent … c’est l’espace creux qui sépare souvent les générations… « … il ne pouvait pas le faire quand il avait seize ans … il ne le pouvait toujours pas à présent … il ne croyait pas que l’amour se mesure en temps passé ensemble » … et il est allé laver des tasses dans la cuisine …et puis dix minutes plus tard, il partait …