Monologue de Marat, personnage central, résistant (et libertin) :
« … C’est vrai, je mange seul, je parle seul. Un conspirateur est bien obligé de vivre seul : le métier l’exige. Je monologue à longueur de journées dans les rues et les jardins, les cafés et les restaurants, les trains et les gares, les salles d’attente et les chambres d’hôtel, ah ! j’aurai mené mon monologue intérieur dans tous les hôtels de France, zone sud et zone nord, commis voyageur en terrorisme. La Résistance, le terrorisme comme disent les journaux, est essentiellement une longue promenade solitaire avec toutes sortes de pensées,
de souvenirs, de projets, d’amours secrètes et de rages étouffées, qu’on remâche sempiternellement, entre les rendez-vous d’une minute, entre deux signaux,
entre deux messages attendus huit jours et qu’il faut aussitôt brûler, entre deux amis fusillés, entre les yeux des flics qui vous guettent, entre chaque station de l’interminable itinéraire qui mène – malheur à soi s’il n’y mène pas -, qui mène au grand jour de sang où seront lavées toutes les hontes… »
Roger Vailland, Drôle de jeu, Phébus libretto, 2009, 297 p., page 48.
Affiche du Secrétariat Général de l'Information,
Vichy, 1943 (Photo JEA)
Commentaires
Remarquable monologue de la solitude forcée par le danger de trahison … On prend conscience de l’héroïsme des résistants de tous bords, en menace de torture et de mort … les idéologies poussent aussi à cet idéal de sacrifice jusqu’à l’ultime…
Ces situations là doivent générer une solitude absolument terrible.