Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

paysans

  • Au soleil de Claus

    En manque de soleil ? Rendez-vous à Gand, où le Musée des Beaux-Arts propose jusqu’au 21 juin Emile Claus et la vie rurale. Des œuvres de la maturité, présentées par thèmes, où le plein air domine largement. Sous l’influence des impressionnistes, Claus (1849-1924) a créé son propre courant : le luminisme. L’exposition confronte son univers pictural à celui de ses élèves et des contemporains qui, comme lui, ont peint les paysans et les paysages de cette région de la Lys – où il habitait la Villa Zonneschijn (Rayon de soleil).

     

    Une petite toile m’a attirée dans la première salle consacrée à « Emile Claus et son milieu » : une Vue sur l’ancien pont du Pas à Gand, très animée (un arbre au centre, trois axes où passent des voitures, des piétons, des bateaux sur le canal) – rares sont les paysages urbains dans son oeuvre, excepté ses vues de la Tamise à Londres. De l’autre côté, une eau-forte de Jenny Montigny montre Claus sur le vif. Le sculpteur Constantin Meunier, bien présent tout au long du parcours, a donné au buste du peintre l’élégance mondaine de l’artiste. Près de photos d’atelier ou d’extérieur, ce sont surtout les portraits qui attirent l’attention : l’épouse de Claus assise à table, de profil – une harmonie de bleu et de vert exquise ; ses élèves, Jenny Montigny et Anna de Weert, la première en robe rose et chapeau à fleurs, la seconde, plus imposante, en barque, avec dans l’eau qui couvre la plus grande partie de la toile les reflets des arbres, d’une voile – elle tient un carnet de croquis. Un étonnant Camille Lemonnier parmi les blés, l’écrivain naturaliste était son ami. 

    Claus, Fillettes au champ.jpg

     

    Place ensuite aux types sociaux dans la peinture de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Quand Claus peint La blanchisseuse près de la rivière, elle travaille, tandis que les bourgeois d’une Soirée d’été jouissent du beau temps. Pour composer Le pique-nique, le peintre s’est placé derrière un groupe de villageois qui se détendent en famille sur la rive ; certains observent, sur l’autre berge, la « belle société » attablée à l’ombre. Mais quand Eugène Laermans montre des paysans, la dénonciation de la misère prend plus nettement le dessus sur le décor. Le vieux jardinier de Claus est tout de même d'une présence très forte.

     

    De grandes toiles sont consacrées à la moisson : La récolte du lin, des Faneuses au soleil couchant, ou ce Repas de midi qu’une jeune paysanne, de dos, apporte à ses compagnes, un panier à la main. Sur les chemins ou dans les champs, des enfants se promènent, leurs sabots à la main. Le musée de Gand a eu la bonne idée de présenter en parallèle des photographies contemporaines de la vie rurale, notamment celles de Léonard Misonne, au rendu impressionniste – En passant en est un superbe exemple.

     

    La rivière occupe une place primordiale dans l’œuvre de Claus, elle structure le paysage et renvoie la lumière. La Lys, il la peint par toutes les saisons, d’un bleu presque turquoise sous des arbres orangés, en hiver, ou encore un jour d’Inondation. Bleu et orange, on retrouve ces tons dans un petit pastel, Nuit de Noël, où des fidèles se pressent dans la neige vers une église aux fenêtres éclairées. Partout, dans les paysages de Claus, ces allées d’arbres typiques de la Flandre orientale. Heureux collectionneur qui possède une merveilleuse Matinée de septembre, avec ses silhouettes à contre-jour – des femmes occupées à étendre le linge.

     

    Un tableau extraordinaire, chef-d’œuvre du musée gantois, inscrit Claus dans la
    grande tradition flamande des paysages hivernaux, ce sont Les Patineurs : sur la Lys gelée, un gamin joue avec une luge, ses camarades sont déjà remontés sur la berge.
    La ligne d’horizon, placée très haut, réduit à peu de chose les maisons et les arbres du lointain. La neige et la glace, rosées par le couchant, couvrent toute la toile de leurs nuances nacrées. Lumière divine.

     

    Quant au Châtaignier, celui de son jardin au printemps, il est le personnage principal d’une autre féerie de couleurs. Claus a choisi le moment où son nouveau feuillage voile à peine la charpente de l’arbre et l’auréole de brume végétale. Si des branches à l’avant-plan poussent leurs feuilles vert tendre dans une lumière encore froide, le peintre ose plus loin, de l’autre côté de la Lys envahie par les reflets, des roses et des mauves étonnants, presque fauves.

    Amoureux de la nature et des campagnes paisibles, amoureux des couleurs et de la lumière, allez vous réchauffer au soleil de Claus, qui irradie depuis plus d’un siècle.